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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/591

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ANNÉE 1771.

blement oublié de fermer cette fosse. Ils y trouvent le cadavre d’une fille ; ils craignent d’être repris de justice, ayant contrevenu à la loi de police qui leur ordonne de fermer l’entrée de la fosse toutes les fois qu’ils quittent le travail.

Ils prennent le parti d’aller jeter le cadavre dans le Rhône ce qui n’est que trop commun dans la ville de Lyon.

Je ne vois que cette seule manière d’expliquer le fait avec vraisemblance. Toutes les accusations de viol et d’assassinat me paraissent le comble de l’absurdité et de la contradiction.

Je supplie monsieur le rapporteur de vouloir bien peser ma conjecture, et de la comparer avec toutes les pièces qu’il a sous les yeux.

Je crois que les chirurgiens de Lyon qui ont fait le rapport sur le cadavre trouvé dans le Rhône se sont trompés, et qu’en voulant soutenir leur erreur ils ont exposé les accusés à la haine publique, et au danger d’un arrêt de mort.

Je ne doute pas que monsieur le rapporteur n’ait lu le mémoire sur la cause de la mort des noyés, par le médecin Duchemin de l’Étang. Ce mémoire est très-contraire à celui des chirurgiens de Lyon.

Les étonnantes dépositions d’un enfant de cinq ans et demi contre sa mère me semblent également horribles et frivoles.

Je sais d’un avocat, qui eut la permission d’interroger cet enfant, qu’il lui fit toujours dire oui à toutes les questions qu’il lui faisait. « N’as-tu pas vu violer debout la petite Claudine Lerouge ? — Oui. — Ne lui avait-on pas lié les jambes l’une sur l’autre avec une grosse corde pour la mieux violer ? — Oui. — Ne disait-elle pas certaines paroles d’amitié quand on la violait ? — Qui. »

Toutes les dépositions de l’enfant sont de nulle valeur.

Toutes les autres dépositions justifient les accusés.

L’huissier Constant, qui a conduit cette affaire épouvantable, a été condamné à être pendu en 1769, un an après la mort de Claudine Lerouge.

Je soumets toutes mes idées aux lumières de monsieur le rapporteur, et je le supplie d’agréer ma confiance et mon respect.