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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/301

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année 1772.


8749. — À M. LE MARQUIS DE CONDORCET[1].
1er février.

À mon secours les philosophes ! Vous savez, monsieur, dans quel esprit j’avais fait les Lois de Minos ; cela m’avait coûté des peines infinies : car j’avais mis près de huit jours à faire cette pièce, et j’en mettrais presque autant à la corriger. Voilà tout d’un coup un comédien, ou un souffleur, ou un ouvreur de loges, qui barbouille cette tragédie de vers de sa façon, qui supprime ce que j’ai fait de plus passable, qui gâte le reste, et qui vend le tout à un libraire nommé Valade, qui imprime et débite hardiment la pièce sous mon nom, sans approbation, sans privilège. Ce brigandage est digne du tripot de la Comédie et de tous les tripots qui partagent votre ville.

L’avocat Belleguier me mande de Grenoble qu’il ne sait comment vous envoyer sa diatribe ; ayez la bonté de lui donner une adresse, et mettez un C. au bas de vos lettres, de peur de méprise. Allons, combattons jusqu’au dernier soupir.

8750. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU,
À Ferney, 1er février.

En voici bien d’une autre, monseigneur ; le tripot m’a joué d’un mauvais tour. Quelqu’un de ces messieurs a vendu une copie informe et détestable du Minos[2] que vous protégiez à un nommé Valade, fripon de libraire de la rue Saint-Jacques, qui la débite hardiment dans Paris, au mépris de toutes les lois de la Crète et de la France. Cette piraterie doit intéresser MM. d’Argental et de Thibouville, car j’ai trouvé dans la pièce beaucoup de vers de leur façon. Je les crois meilleurs que les miens ; mais enfin chacun a son style, et il n’y a point de peintre qui fût content qu’un autre travaillât à son tableau.

Quoi qu’il en soit, ce Valade me paraît méprisable, et le voleur qui lui a vendu la pièce très-punissable. Je n’ai pas l’honneur de connaître M. de Sartines, et je n’ai nulle protection auprès de lui. Je ne sais pas pourquoi l’impression ne dépend pas de messieurs les premiers gentilshommes de la chambre, puisque la

  1. Œuvres de Condorcet, tome Ier ; Paris, 1847.
  2. Des Lois de Minos.