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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/302

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CORRESPONDANCE.

représentation en dépend. Ce monde-ci est plein de contradictions et d’anicroches.

J’avais fondé sur Minos l’espérance de vous faire ma cour à Paris ; mon espérance est détruite : c’est la fable du pot au lait[1].

Il serait curieux de savoir quel est le seigneur crétois qui a fait l’infamie de vendre la pièce à un des pirates de la rue Saint-Jacques ; cela peut servir dans l’occasion ; et vous sauriez à quoi vous en tenir sur l’honnêteté des gens du tripot.

Je comptais vous dédier cette pièce, malgré tout le ridicule des dédicaces ; mais comment faire à présent ? Je suis déjoué de toutes les façons. Les Frérons et toute la canaille de la littérature vont me tomber sur le corps. N’importe ; je vous la dédierai encore, si vous me le permettez. Mais feriez-vous si mal d’écrire à M. de Sartines ? il donnerait certainement tous ses soins à découvrir le fripon.

On m’assure que les comédiens ne laisseront pas de donner la pièce au 1er de mars. Il n’y a autre chose à faire qu’à y travailler encore, pour dérouter les polissons.

Conservez toujours vos bontés pour votre ancien courtisan sifflé ou non sifflé, mais attaché à vous avec le plus profond et le plus tendre respect.

8751. — À M. LE CHEVALIER DE CHASTELLUX.
À Ferney, 1er février.

Il y a huit villages, monsieur, appelés Fresne ; et puisque tous les curés de Fresne auprès de Paris ont été aussi sots que les nôtres, ce n’est pas à ce Fresne que je dois m’adresser[2]. Je ne puis me repentir de vous avoir importuné, puisque cela m’a valu l’assurance que j’aurais l’honneur de vous posséder, vers le mois d’auguste, dans ma chaumière. Vous allez en Italie. Vous pourrez y entendre de la musique qui ne parle jamais au cœur ; vous pourrez y voir force sonettieri, et pas un homme de génie. Ils

  1. La Fontaine, livre VII, fable x.
  2. M. de Chastellux avait écrit en marge de cette lettre : « M. de Voltaire m’avait demandé des éclaircissements sur une belle action (je ne sais plus laquelle) qui devait avoir été faite par un curé de Fresne. M. d’Aguesseau, mon oncle, possède la terre de Fresne, qu’il tient du chancelier d’Aguesseau, son père. M. de Voltaire voulait savoir si c’était ce village de Fresne où était curé l’homme qu’il avait dessein de citer. » Cette note de Chastellux prouve qu’il manque une des lettres que Voltaire lui avait écrites.

    Il y a une Prière du curé Dufresne qu’on a quelquefois attribuée à Voltaire.