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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/319

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année 1772.

à des partages ; l’empire turc sera partagé, et vous ferez jouer l’Œdipe de Sophocle dans Athènes.

Je me borne à me réjouir de voir que les dissidents, pour lesquels je m’étais tant intéressé, aient enfin gagné leur procès. J’espère même que les sociniens auront bientôt en Lithuanie quelque conventicule public, où Dieu le père ne partagera plus avec personne le trône qu’il occupa tout seul jusqu’au concile de Nicée. Il est bien plaisant que les Juifs, qui ont crucifié le logos, aient tant de synagogues chez les Polonais, et que ceux qui diffèrent d’opinions avec la cour romaine sur le logos ne puissent avoir un trou pour fourrer leurs têtes.

J’aurai bientôt quelque chose à mettre aux pieds de Votre Majesté impériale sur les horreurs de toutes ces disputes ecclésiastiques[1] : c’est là mon objet, je ne m’en écarte point ; c’est la tolérance que je veux, c’est la religion que je prêche, et vous êtes à la tête du synode dans lequel je ne suis qu’un simple moine. Si ma strangurie m’emporte, vous n’en recevrez pas moins ma bagatelle.

Nous avons actuellement l’honneur d’avoir autant de neiges et de glaces que vous. Un corps aussi faible que le mien n’y peut pas résister. Bien heureux sont les enfants de Rurick ; encore plus heureux les Lapons et leurs rangifères, qui ne peuvent vivre que dans leur climat ! Cela me prouve que la nature a fait chaque épée pour sa gaine, et qu’elle a mis des Samoyèdes au septentrion, comme des Nègres au midi, sans que les uns soient venus des autres.

Je vous avais bien dit que je radotais, madame : vivez heureuse et comblée de gloire, sans oublier les plaisirs ; cela n’est pas si radoteur.

Je me mets aux pieds de Votre Majesté impériale avec le plus profond respect et le plus sincère attachement.

Le vieux Malade de Ferney.
8771. — DU PRINCE HENRI DE PRUSSE.
De Berlin, le 13 février.

Monsieur, je n’ai point voulu être de vos admirateurs indiscrets. Dérober du temps dont vous faites un si noble usage, c’est faire un rapt aux hommes, que vous éclairez par vos lumières. Je lis et relis vos ouvrages ; mais j’ai

  1. Voyez, tome VII, page 177, le texte et la note de la Ire scène de l’acte Ier des Lois de Minos.