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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/330

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CORRESPONDANCE.

Le prince Orlof, qui aime la physique expérimentale, et qui naturellement est doué d’une perspicacité singulière sur toutes ces matières-là, est peut-être celui qui a fait la plus singulière de toutes les expériences sur la glace. La voici :

Il a fait creuser un fossé pour le fondement d’une grande porte cochère pendant l’automne ; l’hiver d’après, durant les plus fortes gelées, il a fait remplir peu à peu ce fondement d’eau, afin que cette eau se convertit en glace. Lorsqu’il fut rempli à la hauteur convenable, on couvrit ce fondement soigneusement des rayons du soleil, et au printemps on éleva dessus une porte cochère voûtée et très-solide en briques, qui existe depuis quatre ans, et qui, je crois, durera éternellement. Il est bon de remarquer que le terrain sur lequel cette porte est bâtie est marécageux, et que la glace tient lieu du pilotis qu’on aurait été obligé d’employer à son défaut.

L’expérience de la bombe remplie d’eau, et exposée à la gelée, a été faite en ma présence, et elle est crevée dans moins d’une heure avec beaucoup de fracas.

    pour un nommé Aubry, ingénieur en chef des diverses provinces de France, et paraît souhaiter que l’Académie le reçoive dans le nombre de ses associés externes.


    Le sieur Aubry, dans ledit Prospectus, présente à l’Académie une consultation physique, et désire savoir : « Quelle est la mesure de l’extension que le gel produit sur les différentes natures de terres nommées gélives, dans l’état où elles se trouvent pénétrées d’eau jusqu’à un degré commun de saturation, et quels sont les effets qui en résultent sur les corps et les masses qui leur résistent ? »

    Il ajoute qu’il a lui-même travaillé depuis longtemps sur cette matière, et finit par demander à l’Académie impériale des sciences la permission de lui dédier ses recherches.

    L’Académie prit là-dessus les résolutions suivantes :

    1] Le sieur Aubry ne s’étant pas encore fait connaître par quelque ouvrage, l’Académie ne saurait l’agréger à son corps comme associé externe, attendu que la loi générale de toutes les Académies exige qu’on ne donne ce titre qu’aux personnes qui se sont déjà distinguées par leurs écrits. Outre cela, l’Académie a depuis plusieurs années constamment refusé le titre d’associés externes à tous ceux qui l’avaient sollicité, malgré la haute réputation dont plusieurs parmi eux jouissent, et les services importants que d’autres lui avaient rendus. Ce ne sera que lorsque l’Académie, dans un nouveau règlement dont elle attend la confirmation, aura déterminé le nombre de ses associés externes, qu’elle pourra passer à une élection de cette classe de membres et penser aux savants distingués qui s’y sont présentés.

    M. Aubry attendra donc cette époque, et emploiera ce temps à se faire connaître par son ouvrage, dont la dédication ne saurait qu’être agréable à l’Académie des sciences.

    3° Quant à la question que M. Aubry propose, on lui répondra que les expériences dont il y fait mention ont déjà depuis longtemps été faites par nos académiciens, et qu’on les trouve toutes insérées dans les Commentaires de l’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg. Toutefois comme il paraît que cet ouvrage académique ne soit pas connu du sieur Aubry, le professeur kraft se chargea d’en faire un extrait, pour le lui communiquer, et où les conclusions et calculs qu’on a tirés de ces expériences sur l’extension que le gel produit et les effets qui en résultent seront détaillés avec toute la justesse requise.