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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/359

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année 1772.

8814. — DE FRÉDÉRIC,
landgrave de hesse-cassel.
Cassel, 17 avril.

C’est d’un cœur pénétré de la plus vive reconnaissance que je vous remercie, mon cher ami, de l’intérêt que vous prenez à mon mariage[1]. Il est des plus heureux, et l’on ne saurait rien ajouter à mon bonheur. J’ai été passer deux mois à Berlin, et j’ai eu occasion d’entendre souvent les conversations de ce grand roi, qui m’a comblé de politesses et de faveurs. Quel charme pour moi de l’écouter ! Les moments que l’on passe avec lui ne paraissent sûrement pas être longs et l’on voit à regret en arriver la fin. Vous avez très-bien fait, mon cher ami, de ne m’avoir point envoyé une seconde lettre de la personne en question. Gardez-la, je vous prie, me voyant dans l’impossibilité d’y satisfaire.

Que je suis charmé que les cinquante accès de fièvre n’aient pas dérangé une santé aussi chère pour tous vos amis, et pour moi en particulier, qui vous aime au delà de toute expression ! Vivez, cher Nestor de la littérature, vivez encore longtemps pour le bien de l’humanité ; conservez-moi toujours votre amitié, qui m’est si précieuse, et soyez persuadé de la parfaite considération avec laquelle je suis, monsieur, votre, etc.

Frédéric.
8815. — À M. D’ALEMBERT.
19 avril.

Il faut, mon cher et grand philosophe, que je vous fasse part d’une petite anecdote. Voici ce que la personne très-singulière[2] me mande : « J’ai reçu de lui une seconde et troisième lettre sur le même sujet ; l’éloquence n’y est pas épargnée ; mais que ne plaide-t-il aussi pour les Turcs et pour les Polonais ?… Il est vrai que les vôtres ne sont pas à Paris ; mais aussi pourquoi l’ont-ils quitté ?… J’ai envie de répondre que j’ai besoin d’eux pour introduire les belles manières dans mes provinces. »

Je vous prie de me mander si on vous a écrit en effet sur ce ton. Je suis persuadé que dans toute autre circonstance on aurait fait ce que vous avez voulu. Votre projet était admirable ; il vous aurait fait un honneur infini, à vous et à la sainte philosophie. Vous voyez bien que ce n’est pas vous qu’on refuse, et que ce n’est pas aux philosophes qu’on s’en prend ; au contraire, ce sont

  1. Voyez lettre 8736.
  2. Catherine II.