me fait, mais j’aurais voulu vous en faire une. Je suis réduit à vous embrasser de loin, et c’est avec tous les sentiments que je vous ai voués.
Mon cher ami, pourriez-vous bien m’envoyer ce nouveau mémoire de Lacroix ? Aurait-il donc quelque chose de neuf à dire sur cette cruelle affaire ? Je sais qu’il écrit plutôt contre M. Linguet que contre M. de Morangiés. C’est une chose déplorable qu’on se déchaîne si universellement contre un avocat qui ne fait que son devoir. On dit qu’on ne jugera ce procès que sur les probabilités qui frappent tout le monde ; mais je n’en crois rien. Les juges sont astreints à suivre les lois. L’ancien parlement se mettait au-dessus ; celui-ci n’est pas encore assez puissant pour prendre de telles libertés. La détention de M. de Morangiés et le refus d’entendre de nouveaux témoins me font trembler pour lui. Je le regarderai toujours comme un homme très-innocent. Dieu veuille qu’il n’augmente pas mon catalogue des innocents condamnés !
Avez-vous vu M. de Tolendal[2] ? Son oncle est une terrible preuve de ce que peut la cabale.
Le roi de Prusse a parmi ses officiers le jeune d’Étallonde, qui fut condamné avec le chevalier de La Barre à la question ordinaire et extraordinaire, à l’amputation de la main droite et de la langue, et à être brûlé vif, pour n’avoir pas ôté son chapeau devant les capucins, et pour avoir chanté je ne sais quelle chanson que personne ne connaît. C’est un exemple qu’il faut toujours avoir devant les yeux ; il nous prouve que notre siècle est aussi abominable que frivole.
Voici deux lettres que je vous supplie de vouloir bien faire rendre à leur adresse.
Le très-vieux et très-malade solitaire de Ferney vous embrasse de tout son cœur.
- ↑ Éditeurs, Bavoux et François.
- ↑ À qui est adressée la lettre 8827.