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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/397

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année 1772.

rant, de dire à ce secrétaire intime qu’il ne l’oubliait point, quoiqu’il allât boire les eaux du fleuve de l’oubli. Il me le recommandait en présence de Catherine sa nièce. Je vous exhorte, lui disait-il souvent, à ne point craindre vos envieux, à marcher toujours dans le sentier épineux de la gloire, entre le général d’armée Warwick[1] et le ministre Barmécide[2] ; comptez, quand on a la gloire pour soi, que le reste vient tôt ou tard.

Je pense comme Guillaume. Je vous suis très-sincèrement dévoué, et j’en prends à témoin Catherine ; j’espère trouver l’occasion de vous le prouver. Il y a longtemps que je vous ai dit :


Macte animo, generose puer[3].

8856. — À M. LE CHEVALIER DE LALLY-TOLENDAL.
24 mai.

Vous avez, monsieur, du courage dans l’esprit comme dans le cœur ; et une chose à laquelle vous ne faites peut-être pas attention, c’est que votre mémoire est de l’éloquence la plus forte et la plus touchante.

On m’a mandé que le roi vous avait accordé une grande grâce, il y a quelques mois. Vous ne pouviez mieux lui en marquer votre reconnaissance qu’en manifestant l’injustice des juges qui ont trempé dans le sang de votre oncle leurs mains teintes du sang du chevalier de La Barre. Ces tuteurs des rois étaient les ennemis du roi vous le servez en demandant justice contre eux.

Je pense que c’est un devoir indispensable à M. de Saint-Priest[4] de se joindre à vous. Je ne sais pas comment il est votre parent ou votre allié ; je ne sais pas même ce que vous est Mme la comtesse de La Heuze, si elle est votre tante ou votre sœur. Je vous prie de vouloir bien mettre au fait un solitaire si ignorant, en cas que vous lui fassiez l’honneur de lui écrire.

J’ai peur que l’homme puissant à qui vous vous êtes adressé ne vous ait donné des paroles, et non pas une parole ; mais il ne vous empêchera pas de tenter toutes les voies de venger la mort et la mémoire de votre oncle[5].

  1. Une tragédie de La Harpe est intitulée le Comte de Warwick.
  2. La Harpe a fait une tragédie intitulée les Barmécides.
  3. Virg., Æn., lib. IX, v. 641.
  4. Voyez tome XLVII, page 454.
  5. Voyez la note sur la lettre 8827.