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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/396

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CORRESPONDANCE.

mis une fois le pied dans un pays, on peut la persécuter, on peut la faire taire pour quelque temps ; mais on ne peut la chasser. Vous serez toujours à la tête des sages. C’est la plus belle place du monde à mon gré.

Je fais bien plus de cas des secrétaires que des fondateurs. Je me tais pour le présent sur le reste. Je m’en rapporte à M. d’Alembert comme à vous. Il y a dans le monde des gens plus dangereux que les Comètes.

Comptez sur mon dévouement entier, monsieur, pour le peu de temps qui me reste à vivre. V.

8855. — À M. DE LA HARPE.
24 mai.

« Je souhaite que la calomnie ne députe point quelques-uns de ses serpents à la cour, pour perdre ce génie naissant, en cas que la cour entende parler de ses talents. » (Page 10 de l’Épitre[1] morale et instructive de Guillaume Vadé.)

Vous voyez, mon cher ami, que Guillaume était très-instruit qu’il y avait des préjugés contre celui qui a donné quelquefois de si bonnes ailes aux talons de Mercure, et dont le génie alarme ceux qui n’en ont pas.

J’ai oui dire que Guillaume Vadé, avant sa mort, avait essuyé quelques injustices un peu plus fortes ; qu’un commentateur avait interprété fort mal ses discours auprès d’un satrape de Perse[2], lorsque Guillaume était à la campagne, à quelques lieues d’Ispahan ; mais ce n’est point de cela que Guillaume mourut ; il était accoutumé à tous ces orages, et il en riait. On s’était imaginé qu’il était fort sensible à toutes ces misères : on se trompait beaucoup.

Sa nièce, Catherine Vadé, que vous avez connue, vous dira qu’il avait le plus profond mépris pour les tracasseries persanes. Il était quelquefois un peu malin, soit quand il écrivait à Nicolas[3], soit quand il écrivait à Flaccus[4]; mais il fut très-sensible et reconnaissant pour le secrétaire intime de Flaccus[5], lequel avait l’esprit et les grâces de son maître : il m’a même chargé, en mou-

  1. Épître dedicatoire des Lois de Minos, tome VII, page 171.
  2. À Richelieu, tome VII, page 172.
  3. Épître à Boileau, tome X, page 397.
  4. Épître à Horace, tome X, page 441.
  5. La Harpe avait composé une réponse d’Horace à l’épitre de Voltaire ; voyez tome X, page 441.