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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/413

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année 1772.

toute la terre ? pourquoi n’adoucirait-on pas un peu cette maxime[1] : « Que celui qui n’est pas de notre avis soit comme un commis des fermes et comme un païen ? » pourquoi jetterions-nous dans un cachot[2] le convive qui n’aurait pas mis son bel habit pour souper avec nous ? pourquoi ferait-on aujourd’hui mourir d’apoplexie un père de famille[3] et sa femme, qui, ayant donné presque tout leur bien aux jacobins, garderaient quelques florins pour dîner ? pourquoi… ? pourquoi… ? pourquoi… ? Si on me demande pourquoi je vous suis si attaché, je réponds : C’est que vous êtes tolérant, juste et bienfaisant.

Que dites-vous du barbare énergumène[4] qui a cru que j’étais l’ennemi de votre ami, et qui m’a écrit une philippique ?

Agréez, monsieur le prince, ma très-sensible et très-respectueuse reconnaissance.

8870. — À MADAME LA COMTESSE DU BARRY.
20 juin.

Madame, M. de La Borde m’a dit que vous lui aviez ordonné de m’embrasser des deux côtés de votre part.


Quoi ! deux baisers sur la fin de ma vie !
Quel passe-port vous daignez m’envoyer !
Deux ! c’est trop d’un, adorable Égérie ;
Je serais mort de plaisir au premier.


Il m’a montré votre portrait : ne vous fâchez pas, madame, si j’ai pris la liberté de lui rendre les deux baisers.


Vous ne pouvez empêcher cet hommage,
Faible tribut de quiconque a des yeux.
C’est aux mortels d’adorer votre image ;
L’original était fait pour les dieux.


J’ai entendu plusieurs morceaux de la Pandore de M. de La Borde ; ils m’ont paru bien dignes de votre protection. La faveur

  1. Matthieu, XVIII, 17.
  2. Ibid., xxii, 13.
  3. Ananias ; voyez le chapitre v des Actes des apôtres.
  4. Le Roy (Ch.-G.), dans ses Réflexions sur la jalousie ; voyez tome XXVIII, page 489.