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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/429

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année 1772.

littérale des lois de votre empire, soutenues de votre protection. Les Lois de Minos sont à moi, et la Sophonisbe est à Mairet. Les Lois de Minos forment un spectacle magnifique et un contraste très-pittoresque de Crétois civilisés, méchamment superstitieux, et de vertueux sauvages. Une fille dont on va faire le sacrifice est plus intéressante qu’une femme qui épouse son amant deux heures après la mort de son mari.

La détestable édition[1] que la mauvaise foi et le mauvais goût firent chez Valade me causa, je vous l’avoue, un extrême chagrin. On n’aime point à voir mutiler ses enfants. Je retirai cette pièce, qu’on allait représenter, et je vous conjurai d’avoir la bonté de ne la donner qu’au mois de novembre. J’ai toujours persisté dans cette idée et dans mes supplications. J’ai pensé que je pourrais même avoir le temps d’ôter quelques défauts à cet ouvrage, et de le rendre moins indigne d’être protégé par vous.

J’ai imaginé encore que si les Lois de Minos et la Sophonisbe réussissaient, ce succès pourrait être un prétexte pour faire adoucir certaines lois[2] dont vous savez que je ne parle jamais. Il faudrait un peu plus de santé que je n’en ai pour profiter de l’abrogation de ces lois arbitraires.

J’avais longtemps imaginé d’aller aux eaux de Barèges comme Lekain, quand vous seriez dans votre royaume ; et il n’y a pas loin de Barèges à Bordeaux : c’était là l’espérance dont je me berçais. Vos bontés me présentent une autre perspective[3] : je doute un peu de la réussite. Vous savez qu’il y a des gens opiniâtres sur les petites choses, et à qui le terme non est beaucoup plus familier dans de certaines occasions que le terme oui.

Au reste, il me paraît que chacun s’en va tout le plus loin qu’il peut. Il y a, de compte fait, plus de soixante personnes de considération à Lausanne, venues toutes de votre pays, et on en attend encore.

Pour moi, il y a vingt ans que je n’ai changé de lieu, et je n’en changerai jamais que pour vous.

La Borde a fait exécuter à Ferney quelques morceaux de sa Pandore. Si tout le reste est aussi bon que ce que j’ai entendu, cet ouvrage aura un très-grand succès. Le sujet n’est pas si funeste, puisque l’amour reste au genre humain ; et d’ailleurs, qu’importe le sujet, pourvu que la pièce plaise ? Le grand point,

  1. Des Lois de Minos ; voyez tome VII, page 163.
  2. La défense de venir à Paris.
  3. L’espoir de revenir à Paris.