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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/466

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CORRESPONDANCE.

que je n’en avais pas de copie moi-même. Je ne devinais pas que cette petite galanterie pût jamais être publique [1].

Quant aux plaisanteries entre M. le maréchal de Richelieu et M. d’Argental, comme je ne suis pas absolument au fait, je ne sais qu’en dire ; je dois me borner à leur être tendrement attaché à tous les deux ; et, si j’avais encore quelques talents, je ne les emploierais qu’en m’efforçant de mériter les suffrages de l’un et de l’autre. J’ai su tout ce qui s’était passé au sujet d’un de vos amis, dont je respecte le mérite ; j’en ai été bien affligé. Je m’intéresserai, jusqu’au dernier moment de ma vie, à tout ce qui pourra vous toucher. M. Dupuits, qui viendra vous faire sa cour incessamment, vous en dira davantage ; il vous dira surtout combien vos sujets de Ferney vous adorent. Ma reconnaissance n’a point de bornes, et mon cœur n’a point d’âge.

Agréez, madame, mon tendre respect.

8925. — DE M. LE CONSEILLER TRONCHIN[2].
Jeudi, 9 septembre 1773.

Une très-grande dame[3] belle comme le jour, souverainement aimable, et qui laisse sa grandeur à la porte des particuliers qu’elle fait l’honneur de visiter, veut bien achever d’immortaliser les Délices en y acceptant un dîner après-demain[4] samedi. Il faut vite informer le seigneur de Ferney qu’elle y désire son papa et la bonne nièce : ils n’ont pas besoin qu’on leur apprenne la valeur d’un tel désir, ni combien il plaît à Philemon et Baucis.

  1. La lettre à Mme Du Barry avait été imprimée dans le Mercure de septembre 1773, sauf le troisième quatrain.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. La duchesse de Wurtemberg.
  4. Le conseiller Tronchin a joint à cette lettre la note suivante :

    « Voltaire n’arriva aux Délices qu’après le dîner. Madame la duchesse devait en partir pour Paris ; ses voitures étaient prêtes, et pendant que ma femme s’entretenait avec Voltaire, madame la duchesse, me prenant sous le bras, me dit : « Venez, je ne veux point dire adieu au bon vieillard. » Mais bientôt nous vîmes Voltaire accourir. Elle lui sauta au cou, et tous deux, sans se rien dire, se tenaient embrassés, fondant en larmes. J’eus de la peine à terminer cette scène attendrissante, en retirant madame la duchesse et la faisant entrer dans sa voiture. Voltaire l’avait vue enfant, et elle avait conservé beaucoup d’amitié pour lui.

    « Voltaire m’avait quelquefois représenté le roi de Prusse comme étant d’un caractère timide ; j’imaginais que ce ne pouvait être que du roi à Voltaire, en fait de littérature. Je rapportai à madame la duchesse sa nièce le propos de Voltaire ; elle me le confirma, et non-seulement dans le sens que je l’avais pris, mais dans la manière de se présenter à sa cour. »