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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/491

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année 1772.

8934. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC[1].
À Ferney, 15 octobre.

Quelquefois l’octogénaire malade est bien excusable dans sa négligence à répondre ; quelquefois aussi il y a un moment de relâche, et alors il saisit cet instant pour remercier M. le marquis d’Argence, et pour le bien assurer qu’il mourra plein de tendresse pour lui.

Si M. de Sauvigny, premier président du parlement de Paris, n’avait pas interrogé lui-même deux coquins de la bande Jonquay, jamais M. le comte de Morangiés n’aurait gagné son procès, tant la faction de ces fripons était devenue puissante, tant ils avaient fasciné les yeux des juges. M. le marquis d’Argence, qui est aussi sage que rempli de bonté pour moi, fait une très-belle action en publiant sa lettre[2], et en fait une très-prudente en la répandant sobrement. Le vieux malade le supplie d’agréer ses tendres respects.

8955. — À M. LE COMTE ANDRÉ SCHOUVALOW,
Chambellan
De l’impératrice de russie, et président
De la législation.
À Ferney, 15 octobre.

L’Amour, Épicure, Apollon,
Ont dicté vos vers que j’adore[3].
Mes yeux ont vu mourir Ninon :
Mais Chapelle respire encore.


Je ne reviens point, monsieur, de ma surprise que Chapelle ait perfectionné son style à Pétersbourg. Quelques Français me demandent pourquoi je prends le parti des Russes contre les Turcs. Je leur réponds que quand les Turcs auront une impératrice comme Catherine II, et qu’il y aura à la Porte Ottomane des chambellans comme M. le comte de Schouvalow, alors je me ferai Turc ; mais je ne puis être que Grec tant que vous ferez


  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Lettre au comte de Périgord, où d’Argence détruit diverses calomnies répandues sur Voltaire. (A. F.)
  3. Le comte André Schouvalow s’exerçait depuis longtemps à la poésie ; il avait, en 1767, adressé des vers à Voltaire. Il composa une Épître à Ninon de Lenclos, que quelques personnes ont attribuée à Voltaire, qui la fit imprimer en 1774 ; voyez lettres 9079 et 9081.