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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/493

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année 1772.

car il n’y a point, dans mon Justinien, de grande table de matières. Mon édition est de 1756, chez les Cramer.

Mandez-moi un peu de vos nouvelles. Je vous embrasse bien tendrement.

Le vieux Malade.
8958. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[1].
24 octobre 1773.

Il me prend une envie à laquelle je ne puis résister, c’est de vous écrire. Je vous mets peut-être au désespoir ; votre projet était peut-être de laisser tomber notre correspondance. Mais, mon cher Voltaire, je ne puis y consentir ; il faut nous aimer, il faut nous le dire jusqu’à la fin de notre vie. Hélas ! hélas ! il n’y a plus que courage.

Savez-vous ce qui m’a réveillée pour vous ? C’est M. de Lisle[2], qui m’a écrit de Chanteloup tout l’enchantement où il est de vous, de votre santé, de votre gaieté, de votre bonne réception, de votre magnificence, de votre bienfaisance ; enfin, de tant et tant de choses, que je n’en puis faire l’énumération. Mais ce qui m’a été infiniment agréable, ce sont les assurances qu’il m’a données de votre souvenir et de votre amitié ; confirmez-les en reprenant une correspondance qui m’est plus nécessaire que je ne puis vous le dire ; elle dissipe mes ennuis, elle me fait entendre un langage que sans vous je croirais perdu. Écrivez-moi donc, mais que ce soit avec confiance, et comme à quelqu’un sur qui vous comptez, dont le goût n’est pas entièrement perdu. Répondez aux questions que je vous fais. Je vous ai interrogé sur l’Éloge de Colbert ; je désire savoir si mon jugement se rapporte au vôtre ; faites-moi part de tout ce que vous écrivez. Je n’ai jamais eu tant de besoin des soins et des attentions de mes anciens amis. J’éprouve ce qu’a dit Saint-Lambert, et qu’il a très-bien dit, sur celui qui a le malheur de vieillir :


Il voit autour de lui tout périr, tout changer,
À la race nouvelle il se trouve étranger, etc.


J’ai dans ce moment la crainte de perdre Mme de La Vallière, et ce serait une très-grande perte pour moi : elle est plus que mon ancienne connaissance, elle est mon amie. Ce n’est point une grande maladie qu’elle a, c’est un estomac délabré, une faiblesse extrême qui l’empêche pour le présent de voir personne ; faut-il donc mourir ou tout perdre ? Je suis bien triste, mon cher Voltaire le ciel ne m’a point donné le courage, et les âmes faibles sont en proie à tous les malheurs. Consolez-moi, ayez soin de moi.

On dit que vous avez trouvé des perles et des diamants dans la petite brochure de quatorze cents pages de M. Helvétius[3]. Comme ma vie ne serait

  1. Correspondance complète, édition de Lescure, 1865.
  2. Le chevalier de Lisle.
  3. Son livre posthume de l’Homme et de son éducation.