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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/499

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année 1772.

8964. — À M. BERTRAND[1].
Ferney, 30 octobre.

Le vieux malade est toujours dans son lit : il fait mille compliments à M. Bertrand. Il lui enverra cette détestable édition sitôt qu’elle sera finie.

8965. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
À Ferney, 1er novembre.

Eh bien, madame, je commence par les diamants brillants. Page 102, tome Ier : « Pourquoi faire de Dieu un tyran oriental ? pourquoi lui faire punir des fautes légères par des châtiments éternels ? Pourquoi mettre le nom de la Divinité en bas du portrait du diable ? »

Page 107 : « Nous sommes étonnés de l’absurdité de la religion païenne ; celle de la religion papiste étonnera bien davantage la postérité. »

Page 121 : « Pour être philosophe, dit Malebranche, il faut voir évidemment ; et, pour être fidèle, il faut croire aveuglément. Malebranche ne s’aperçoit pas que de son fidèle il en fait un sot. »

Page 321 : « Pourquoi tout moine, qui défend avec un emportement ridicule les faux miracles de son fondateur, se moque-t-il de l’existence des vampires ? c’est qu’il n’a point d’intérêt à le croire. Ôtez l’intérêt, reste la raison, et la raison n’est pas crédule. »

Je prends ces petits diamants au hasard, madame ; il y en a mille dans ce goût, dont l’éclat m’a frappé. Cela n’empêche pas que le livre ne soit très-mauvais. Je passe ma vie à chercher des pierres précieuses dans du fumier ; et, quand j’en rencontre, je les mets à part, et j’en fais mon profit : c’est par là que les mauvais livres sont quelquefois très-utiles.

J’ai lu, il n’y a pas longtemps, l’Art d’aimer, de Bernard[2]. C’est un des plus ennuyeux poëmes qu’on ait jamais faits ; cependant il y a, dans ce long poëme, une trentaine de vers admirables et dignes d’être éternels, comme le sujet du poëme le sera.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Voyez la fin de la lettre 8918.