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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/545

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sieurs les auteurs des Œufs rouges[1], et à M. Clément, de faire passer pour son grand-père. M. Clément imprime cette belle généalogie dans une des lettres qu’il me fait l’honneur de m’écrire avec une permission tacite. Encore une fois, nous sommes dans un étrange temps. Dieu soit béni ! la tête m’en tourne. Je me mets, au milieu de mes frimas, sous les ailes de mes anges.

9016. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Décembre.

Sire, me voilà bien loin de mon compte : tous les gens de lettres m’avaient fait compliment sur la manière assez neuve dont j’avais fait l’éloge des héros en les donnant au diable[2] ; on trouvait que ce tour n’était pas sans quelque finesse. Rousseau avait dit :


Mais à la place de Socrate,
Le fameux vainqueur de l’Euphrate
Sera le dernier des mortels.

(Ode à la Fortune.)

Cette idée paraissait aussi fausse que grossière à tous les connaisseurs : en effet, il y une extravagance plus que cynique à dire au capitaine général de la Grèce, au vainqueur du maître de l’Asie, au vengeur de l’assassinat de Darius, au héros qui bâtit plus de villes que Gengis-kan n’en détruisit, à celui qui changea la route du commerce du monde : Tu es le dernier des mortels. Mais de plaindre les hommes qui souffrent du fléau de la guerre, et d’admirer en même temps les maîtres de ce grand art, cruel mais nécessaire, et de louer les Cyrus, les Alexandre, les Gustave, etc., en feignant de se fâcher contre eux, c’est ce qui a plu à tout le monde, excepté à la dame dont j’ai eu l’honneur de vous parler[3].

  1. C’est Pidansat de Mairobert (voyez tome XXXVIII, page 179) qui est auteur du pamphlet contre le chancelier Maupeou, intitulé les Œufs rouges de monseigneur Sorhouet mourant, à M. de Maupeou, in-8o et in-12.
  2. La pièce intitulée la Tactique avait déplu au roi de Prusse ; et l’on aperçoit quelques traces d’humeur dans plusieurs de ses lettres ; il en manque une, où il avait apparemment marqué cette humeur avec plus de force. (K.) — Les éditions de Kehl ne donnaient pas les lettres du roi, des 4 janvier et 9 février 1774. Ces lettres, qui portent dans la présente édition les nos 9020 et 9050, y sont placées comme dans l’édition des Œuvres de Frédéric, de Preuss ; mais elles sont, dans l’édition d’Amsterdam (Liége), mises à décembre, sans date du jour.
  3. Lettre 8992 ; c’était Mme Necker ; voyez page 512.