j’habite, qui est précisément à une lieue de la Suisse, de Genève, de la Savoie, et de la Franche-Comté. Je me chargerai moi-même, malgré mon grand âge, de l’aider à vous fournir les plus beaux hommes et à choisir les plus sages.
Je vous demande en grâce de lui envoyer son congé d’un an : il partira sur-le-champ, et peut-être reviendra-t-il à Vesel au bout de trois mois.
S’il ne peut obtenir en France ce qu’il demande, il n’en aura pas moins d’obligations à Votre Majesté, et vous aurez fait ce qu’auraient fait ces Cyrus et ces Gustave dont j’ai dit tant de mal.
Je me mets à vos pieds avec les sentiments que j’ai toujours eus, et avec lesquels je mourrai.
On a joué hier Sophonisbe[2], qui n’a pas été trop bien reçue. L’auteur y a laissé des familiarités qui ont fait rire, et des longueurs qui ont impatienté le parterre. Le commencement du cinquième acte a été sifflé, jusqu’au moment où Lekain dit à Scipion, en lui montrant Sophonisbe expirante :
Sur ces bras tout sanglants viens essayer tes chaînes.
Ce vers a été dit avec tant de force et de vérité que le parterre a passé en un moment du rire à la terreur. Enfin Lekain est venu l’annoncer pour mercredi ; il semblait demander grâce : cela a réussi, on a beaucoup applaudi. D’ici à mercredi, M. de La Harpe fera des retranchements, quelques corrections, et j’espère que tout ira bien. Il y a cinquante-cinq ans qu’on a joué Œdipe.
Vous savez sans doute la mort du vicomte de Rohaut, que M. de La Moussetière a tué il y a un mois environ, parce qu’il était l’amant de sa femme ? Elle était hier à l’agonie. Elle meurt de douleur. Cette femme n’a que vingt-cinq ans, et son lot n’aurait pas été mauvais si sa mort eût été plus prompte : elle a été heureuse, ou du moins elle a eu de grandes jouissances pendant un an qu’a duré sa passion. Cela vaut mieux que de vivre aussi longtemps et aussi tristement que les autres.
Ne pourriez-vous pas me rapporter encore un petit sac de graines de raves ?