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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/560

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maréchal de camp contre le jugement du parlement en faveur de M. de Morangiés. Si vous pouviez, mon cher ami, avoir la bonté de me la procurer, vous me rendriez un grand service.

Je suis fâché que vous ne me disiez rien que de vague sur l’épisode postiche que Beaumarchais a inséré contre vous dans sa comédie : il me semble que cet étonnant fou n’ait songé qu’à se faire des ennemis. Ses mémoires se font lire beaucoup plus que toutes les pièces nouvelles. Mais ce n’est pas sur de bonnes plaisanteries que le parlement juge, et je ne vois pas, encore une fois, que vous deviez être interrogé juridiquement sur ce que vous n’avez pas dit chez la dame Lépine, à propos de quinze louis que la dame de Goezmann aurait dû rendre plutôt que de se faire tympaniser et encloîtrer. Tout cela est une farce misérable.

La tragédie des deux dragons est beaucoup plus noble.

Celle de l’abbé de Roussillon est bien abominable. Je connais beaucoup le frère de Mlle de Chamflour, que ce tendre amant assassina il y a environ quinze ans. Je crois même que cet Orosmane passa par les Délices en s’en allant en Hollande.

Je vous demande en grâce de vouloir bien faire parvenir ce petit paquet à M. de Thibouville.

9036. — DE CATHERINE II,
impératrice de russie.
À Pétersbourg, le 8-19 janvier.

Monsieur, je pense que les nouvelles que le roi de Prusse vous a données de la défaite du vizir et de la prise de Silistrie lui sont venues de Pologne, le pays, après la France, où l’on débite les plus fausses. Je m’attends à voir les oisifs fort occupés d’un voleur de grand chemin qui pille le gouvernement d’Orenbourg, et qui tantôt, pour effrayer les paysans, prend le nom de Pierre III, et tantôt celui de son employé[1]. Cette vaste province n’est pas peuplée à proportion de sa grandeur ; la partie montagneuse est occupée par des Tartares, nommés Baschkis, pillards depuis la création du monde. Le pays plat est habité par tous les vauriens dont la Russie a jugé à propos de se défaire depuis quarante ans, ainsi que l’on a fait à peu près dans les colonies de l’Amérique pour les pourvoir d’hommes.

Le général Bibikof est allé avec un corps de troupes pour rétablir la tranquillité là où elle est troublée. À son arrivée à Casan, qui est à sept cents verstes (ou cent lieues d’Allemagne) d’Orenbourg, la noblesse de ce royaume vint lui offrir de se joindre à ses troupes avec quatre mille hommes

  1. Il s’agit de Pugatscheff ; voyez lettre 9044.