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SUR LA TRAGÉDIE D’ORESÏE. 189

Je demande après cela si la république des lettres n’a pas obligation à un auteur qui ressuscite l’antiquité dans toute sa noblesse, dans toute sa grandeur, et dans toute s ; i force, et (pii y joint les plus grands efforts de la nature, sans aucun mélange des petites faiblesses et des misérables intrigues amoureuses qui déshonorent le théâtre parmi nous ?

L’imp^es^ion de la pièce met en liberté de juger du mérite de la diction, des pensées, et des sentiments dont elle est remplie. On verra si l’auteur a imité les grands modèles, et de quelle manière il l’a fait. On v trouvera un grand nombre de pensées tirées de Sophocle : cela était inévitable, et d’ailleurs on ne pouvait mieux faire. J’en ai reconnu plusieurs tirées ou imitées d’Euripide, qui ne me paraissent pas moins belles dans l’auteur français que dans le grec même ; telles sont ces pensées de Clytemnestre ; I, iiij :

Vous pleurez dans les fers, et moi dans ma grandeur… Vous frappez une mère, et je l’ai mérite.

Xaîpw Ti, TsV.vov, Toï ; ^eSpajxs’voi ; èu.oî…

Et celle-ci d’Electre, qui a été si applaudie (I, ii) :

Qui pourrait de ces dieux encenser les autels, S’ils voyaient sans pitié les malheurs des mortels. Si le crime, insolent dans son heureuse ivresse, Écrasait à loisir l’innocente faiblesse ?

IlsTT&tôa S’* yî yor, p.riXÉ6’r, -ycTa6ai Sacùî,

Les anciens avaient pour maxime de ne faire des acteurs subalternes, même de ceux qui contribuaient à la catastrophe, que des personnages muets, ce qui valait infiniment mieux que les dialogues insipides qu’on met de nos jours dans la bouche de deux ou trois confidents dans la même pièce. On ne trouve point dans la tragédie d’Oreste de ces personnages oisifs qui ne font qu’écouter des confidences ; et plût au ciel que le goût en passât ! Sophocle et Euripide ont mieux aimé ne point faire parler Pylade que de lui faire dire des choses inutiles. Dans la nouvelle pièce, tous les rôles sont intéressants et nécessaires.

TROISIÈME PARTIE.

Des défauts où tombent ceux qui s’écartent des anciens dans les sujets qu’ils ont traités.

Plus mon zèle pour l’antiquité et mon estime sincère pour ceux qui en ont fait revivre les beautés viennent d’éclater. i)lus la bienséance me prescrit de modération et de retenue en parlant de ceux qui s’en sont écartés. Bien