Achevez…
Justes dieux ! où me réduisez-vous ?
Parlez ; la vérité dans son jour doit paraître.
Vous gardez le silence à l’aspect de ce traître !
Vous baissez devant lui vos yeux intimidés !
Il frémit devant vous ! Achevez, répondez.
Ah ! je vous ai trahis ; c’est moi qui suis coupable.
Non, vous ne l’êtes point…
Va, monstre impitoyable ;
Va, ta pitié m’outrage, elle me fait horreur.
Dieux ! j’ai trop tard connu ma détestable erreur.
Sénat, j’ai vu le crime, et j’ai tu les complices ;
Je demandais vengeance, il me faut des supplices.
Ce jour menace Rome, et vous, et l’univers.
Ma faiblesse a tout fait, et c’est moi qui vous perds.
Traître, qui m’as conduite à travers tant d’abîmes,
Tu forças ma tendresse à servir tous tes crimes.
Périsse, ainsi que moi, le jour, l’horrible jour,
Où ta rage a trompé mon innocent amour !
Ce jour où, malgré moi, secondant ta furie,
Fidèle à mes serments, perfide à ma patrie,
Conduisant Nonnius à cet affreux trépas,
Et, pour mieux l’égorger, le pressant dans mes bras,
J’ai présenté sa tête à ta main sanguinaire !
(Tandis qu’Aurélie parle au bout du théâtre, Cicéron est assis, plongé dans la douleur.)
Murs sacrés, dieux vengeurs, sénat, mânes d’un père,
Romains, voilà l’époux dont j’ai suivi la loi,
Voilà votre ennemi !… Perfide, imite-moi.
(Elle se frappe.)
Où suis-je ? malheureux !
O jour épouvantable !
Jour trop digne en effet d’un siècle si coupable !