Ah ! Ah ! Contre Socrate ? Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on se plaint de lui. Qu’a-t-il fait ?
Je n’en sais rien.
On dit qu’il donne de l’argent aux filles pour se marier.
Oui, il corrompt la jeunesse.
C’est un impie : il n’a point offert de gâteaux à Cérès. Il dit qu’il y a trop d’or et trop d’argent inutiles dans les temples ; que les pauvres meurent de faim, et qu’il faut les soulager.
Oui, il dit que les prêtres de Cérès s’enivrent quelquefois : cela est vrai, c’est un impie.
C’est un hérétique ; il nie la pluralité des dieux ; il est déiste ; il ne croit qu’un seul dieu ; c’est un athée[1].
Oui, il est hérétique, déiste, athée.
Voilà des accusations très graves et très vraisemblables : on m’avait déjà averti de tout ce que vous nous dites.
L’état est en danger, si on laisse de telles horreurs impunies. Minerve nous ôtera son secours.
Oui, Minerve, sans doute : je l’ai entendu faire des plaisanteries sur le hibou de Minerve.
Sur le hibou de Minerve ! Ô ciel ! N’êtes-vous pas d’avis, messieurs, qu’on le mette en prison tout-à-l’heure ?
Oui, en prison, vite, en prison !
Huissiers, amenez à l’instant Socrate en prison.
Et qu’ensuite il soit brûlé sans avoir été entendu.
- ↑ C’est à peu près le raisonnement qui avait été fait contre Voltaire lui-même en 1758 (B.)