Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/477

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Scène V.


lord MURRAY, POLLY.

LORD MURRAY.

Que prétend cette furie ? que la jalousie est affreuse ! Ô ciel ! fais que je sois toujours amoureux, et jamais jaloux ! Que veut-elle ? elle parle de faire enlever ma chère Lindane et cet étranger ; que veut-elle dire ? sait-elle quelque chose ?

POLLY.

Hélas ! il faut vous l’avouer ; ma maîtresse est arrêtée par l’ordre du gouvernement : je crois que je le suis aussi ; et, sans un homme, qui est la bonté même, et qui a bien voulu être notre caution, nous serions en prison à l’heure que je vous parle : on m’avait fait jurer de n’en rien dire ; mais le moyen de se taire avec vous ?

LORD MURRAY.

Qu’ai-je entendu ? quelle aventure ! et que de revers accumulés en foule ! Je vois que le nom de ta maîtresse est toujours suspect. Hélas ! ma famille a fait tous les malheurs de la sienne : le ciel, la fortune, mon amour, l’équité, la raison, allaient tout réparer ; la vertu m’inspirait ; le crime s’oppose à tout ce que je tente : il ne triomphera pas. N’alarme point ta maîtresse ; je cours chez le ministre ; je vais tout presser, tout faire. Je m’arrache au bonheur de la voir pour celui de la servir. Je cours, et je revole. Dis-lui bien que je m’éloigne parce que je l’adore.

(Il sort.)
POLLY.

Voilà d’étranges aventures ! je vois que ce monde-ci n’est qu’un combat perpétuel des méchants contre les bons, et qu’on en veut toujours aux pauvres filles.



Scène VI.


MONROSE, LINDANE ; POLLY reste un moment, et sort à un signe que lui fait sa maîtresse.

MONROSE.

Chaque mot que vous m’avez dit me perce l’âme. Vous, née dans le Locaber ! et témoin de tant d’horreurs ! persécutée, errante, et si malheureuse avec des sentiments si nobles !