Scène V.
Que prétend cette furie ? que la jalousie est affreuse ! Ô ciel ! fais que je sois toujours amoureux, et jamais jaloux ! Que veut-elle ? elle parle de faire enlever ma chère Lindane et cet étranger ; que veut-elle dire ? sait-elle quelque chose ?
Hélas ! il faut vous l’avouer ; ma maîtresse est arrêtée par l’ordre du gouvernement : je crois que je le suis aussi ; et, sans un homme, qui est la bonté même, et qui a bien voulu être notre caution, nous serions en prison à l’heure que je vous parle : on m’avait fait jurer de n’en rien dire ; mais le moyen de se taire avec vous ?
Qu’ai-je entendu ? quelle aventure ! et que de revers accumulés en foule ! Je vois que le nom de ta maîtresse est toujours suspect. Hélas ! ma famille a fait tous les malheurs de la sienne : le ciel, la fortune, mon amour, l’équité, la raison, allaient tout réparer ; la vertu m’inspirait ; le crime s’oppose à tout ce que je tente : il ne triomphera pas. N’alarme point ta maîtresse ; je cours chez le ministre ; je vais tout presser, tout faire. Je m’arrache au bonheur de la voir pour celui de la servir. Je cours, et je revole. Dis-lui bien que je m’éloigne parce que je l’adore.
Voilà d’étranges aventures ! je vois que ce monde-ci n’est qu’un combat perpétuel des méchants contre les bons, et qu’on en veut toujours aux pauvres filles.
Scène VI.
Chaque mot que vous m’avez dit me perce l’âme. Vous, née dans le Locaber ! et témoin de tant d’horreurs ! persécutée, errante, et si malheureuse avec des sentiments si nobles !