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Scène II.

DAVID, MICHOL, ABIGAÏL.
ABIGAÏL, en embrassant David.

Mon cher, mon tendre époux, maître de mon cœur et de ma vie, venez, sortez avec moi de ces lieux dangereux ; Saül arme contre vous, et Akis vous attend[1].

MICHOL.

Qu’entends-je ? son époux ? Quoi ! monstre de perfidie, vous me jurez un amour éternel, et vous avez pris une autre femme ! Quelle est donc cette insolente rivale ?

DAVID.

Je suis confondu.

ABIGAÏL.

Auguste et aimable fille d’un grand roi, ne vous mettez pas en colère contre votre servante : un héros tel que David a besoin de plusieurs femmes ; et moi, je suis une jeune veuve qui ai besoin d’un mari : vous êtes obligée d’être toujours auprès du roi votre père ; il faut que David ait une compagne dans ses voyages et dans ses travaux ; ne m’enviez pas cet honneur, je vous serai toujours soumise.

MICHOL.

Elle est civile et accorte du moins : elle n’est pas comme ces concubines impertinentes qui vont toujours bravant la maîtresse de la maison : monstre, où as-tu fait cette acquisition ?

DAVID.

Puisqu’il faut vous dire la vérité, ma chère Michol, j’étais à la tête de mes brigands[2], et, usant du droit de la guerre, j’ordonnai à Nabal, mari d’Abigaïl, de m’apporter tout ce qu’il avait ; Nabal était un brutal[3] qui ne savait pas les usages du monde, il me refusa insolemment : Abigaïl est née douce, honnête et tendre[4] ; elle vola tout ce qu’elle put à son mari pour me l’apporter : au bout de huit jours le brutal mourut[5]

  1. Rois, I, chap. xxviii, verset 1.
  2. Rois, I, chap. xxv.
  3. Rois, I, chap. xxv, verset 3.
  4. Rois, I, chap.xxv, versets 3, 23, 2i, 25 et 5 ; ibid., versets 18, 10.
  5. Dans l’anglais, like kits.