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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/157

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Ai-je assez respecté votre aimable innocence ?
Vous ai-je idolâtrée ?

Olympie.

Vous ai-je idolâtrée ?Ah ! C’est là mon malheur.

Cassandre.

Après le tendre aveu de la plus pure ardeur,
Libre dans vos bontés, maîtresse de vous-même,
Cette voix favorable à l’époux qui vous aime,
Aux lieux où je vous parle, à ces mêmes autels,
A joint à mes serments vos serments solennels !

Olympie.

Hélas ! Il est trop vrai… Que le courroux céleste
Ne me punisse pas d’un serment si funeste !

Cassandre.

Vous m’aimiez, Olympie !

Olympie.

Vous m’aimiez, Olympie !Ah ! Pour comble d’horreur,
Ne me reproche pas ma détestable erreur.
Il te fut trop aisé d’éblouir ma jeunesse ;
D’un cœur qui s’ignorait tu trompas la faiblesse :
C’est un forfait de plus… Fuis-moi ; ces entretiens
Sont un crime pour moi plus affreux que les tiens.

Cassandre.

Craignez d’en commettre un plus funeste peut-être
En acceptant les vœux d’un barbare et d’un traître ;
Et si pour Antigone…

Olympie.

Et si pour Antigone…Arrête, malheureux !
D’Antigone et de toi je rejette les vœux,
Après que cette main, lâchement abusée,
S’est pu joindre à ta main de mon sang arrosée,
Nul mortel désormais n’aura droit sur mon cœur.
J’ai l’hymen, et le monde, et la vie en horreur.
Maîtresse de mon choix, sans que je délibère,
Je choisis les tombeaux qui renferment ma mère ;
Je choisis cet asile où Dieu doit posséder
Ce cœur qui se trompa quand il put te céder.
J’embrasse les autels, et déteste ton trône,
Et tous ceux de l’Asie… et surtout d’Antigone.
Va-t-en, ne me vois plus… Va, laisse-moi pleurer
L’amour que j’ai promis, et qu’il faut abhorrer.