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192 DISCOURS lIISTOlUnUE ET CRITIQUE.

simplicité du style qui leur coiiviciil, ont paru devoir faire plus (Tiuipression, et mieux concourir au but |)roposé que des princes amoureux et des princesses })passionnées : les théâtres ont assez retenti de ces aventures tragiques qui ne se passent qu’entre des souverains, et qui sont de peu d’utilité pour le reste des hommes. On trouve à la vérité un empereur dans cette pièce, mais ce n’est ni pour lVap])er les yeux par le faste de la grandeur, ni pour étaler son pouvoir en vers ampoulés : il ne vient qu’à la fin de la tragédie, et c’est pour prononcer une loi telle que les anciens les feignaient dictées par les dieux.

Cette heureuse catastrophe est fondée sur la plus exacte vérité. L’empereur Gallien, dont les prédécesseurs avaient longtemps persécuté une secte persane, et même notre religion chrétienne, accorda enfin aux chrétiens et aux sectaires de Perse la liberté de conscience par un édit solennel. C’est la seule action glorieuse de son règne. Le vaillant et sageDioclétien se conforma depuis à cet édit pendant dix-huit années entières. La première chose que fit Constantin, après avoir vaincu Maxence, fut de renouveler le fameux édit de liberté de conscience, porté par l’empereur Gallien en faveur des chrétiens. Ainsi c’est proprement la liberté donnée au christianisme qui était le sujet de la tragédie. Le respect seul pour notre religion empêcha, comme on sait, l’auteur de la mettre sur le théâtre : il donna la pièce sous le nom des Guhbves. S’il l’avait présentée sous le titre des chrétiens, elle aurait été jouée sans difficulté, puisqu’on n’en fit aucune de représenter le saint Genest de Rotrou, le saint Polijeucte, et la sainte Théodore, vierge et martyre, de Pierre Corneille, le saint Alexis de Desfontaines, la sainte Gabinic de Brueys, et plusieurs autres.

Il est vrai qu’alors le goût était moins raffiné, les esprits étaient moins disposés à faire des applications malignes ; le public trouvait bon que chaque acteur parlât dans son caractère.

On applaudit sur le théâtre ces vers de Marcèle dans la tragédie de Saint Gcnest, jouée en 16^7, longtemps après Polyenctc’^ :

ridicule erreur de vanter la puissance

D’un Dieu qui donne aux siens la mort pour récompense,

D’un imposteur, d’un fourbe, et d’un crucifié !

Oui l’a mis dans le ciel ? Qui l’a déifié ?

1. LePoli/eucle est de 1G40 ; le Véritable saint Genest, tragédie de Rotrou, que les frères Parfaict {Histoire dit Théâlre- Français, VII, 16) mettent en IGiG, fut imprimé on KJiS. Un autre auteur, nommé Des l’on laines, avait donné, on IG15, illustre Comédien, ou le Martyre de saint Genest. (B.)