Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/534

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En me privant du jour, de ce jour que je hais,
En déchirant ce cœur tout plein de ses bienfaits,
Rendra ma mort plus douce, et ma bouche expirante
Bénira jusqu’au bout cette main bienfaisante.

IRADAN

Allez, n’espérez pas, dans votre aveuglement,
Arracher de mon âme un tel consentement.
Par le pouvoir secret d’un charme inconcevable,
Mon cœur s’attache à vous, tout ingrate et coupable :
Vos nœuds me font horreur ; et dans mon désespoir,
Je ne puis vous haïr, vous quitter, ni vous voir.

ARZAME

Et moi, seigneur, et moi, plus que vous confondue,
Je ne puis m’arracher d’une si chère vue,
Et je crois voir en vous un père courroucé
Qui me console encor quand il est offensé.


Scène IV


Iradan, Arzame, Césène.

CÉSÈNE

Mon frère, tout est prêt, les autels vous demandent ;
Les prêtresses d’hymen, les flambeaux vous attendent ;
Le peu de vos amis qui nous reste en ces murs
Doit vous accompagner à ces autels obscurs,
Grossièrement parés, et plus ornés par elle
Que ne l’est des Césars la pompe solennelle.

IRADAN

Renvoyez nos amis, éteignez ces flambeaux.

CÉSÈNE

Comment ! quel changement ! Quels désastres nouveaux !
Sur votre front glacé l’horreur est répandue !
Ses yeux baignés de pleurs semblent craindre ma vue !

IRADAN

Plus d’autels, plus d’hymen.

ARZAME

J’en suis indigne.

CÉSÈNE

Ô ciel !
Dans quel contentement je parais cet autel !