Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Scène VII.



LE MARQUIS, LE CHEVALIER.


LE CHEVALIER, de loin, se cachant le visage.

C’est quelque chose. Ah, monsieur ?

LE MARQUIS.

C’est quelque chose. Ah, monsieur ?Est-ce vous ?
Vous, malheureux !

LE CHEVALIER.

Vous, malheureux !Je tombe à vos genoux…

LE MARQUIS.

Qu’avez-vous fait ?

LE CHEVALIER.

Qu’avez-vous fait ?Une faute, une offense,
Dont je ressens l’indigne extravagance.
Qui pour jamais m’a servi de leçon,
Et dont je viens vous demander pardon.

LE MARQUIS.

Vous, des remords ! vous ! est-il bien possible ?

LE CHEVALIER.

Rien n’est plus vrai.

LE MARQUIS.

Rien n’est plus vrai. Votre faute est horrible
Plus que vous ne pensez ; mais votre cœur
Est-il sensible à mes soins, à l’honneur,
À l’amitié ? Vous sentez-vous capable
D’oser me faire un aveu véritable,
Sans rien cacher ?

LE CHEVALIER.

Sans rien cacher ?Comptez sur ma candeur ;
Je suis un libertin, mais point menteur ;
Et mon esprit, que le trouble environne,
Est trop ému pour abuser personne.

LE MARQUIS.

Je prétends tout savoir.

LE CHEVALIER.

Je prétends tout savoir. Je vous dirai
Que, de débauche et d’ardeur enivré
Plus que d’amour, j’avais fait la folie
De dérober une fille jolie
Au possesseur de ses jeunes appas,
Qu’à mon avis il ne mérite pas.
Je l’ai conduite à la forêt prochaine,
Dans ce château de Laure et de Dormène :
C’est une faute, il est vrai, j’en convien ;
Mais j’étais fou ; je ne pensais à rien.
Cette Dormène, et Laure sa compagne,
Étaient encor bien loin dans la campagne ;
En étourdi je n’ai point perdu temps