Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/239

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Mes dards, mes javelots, dont ma main tant de fois
Moissonna dans nos champs leur troupe fugitive.
Bientôt de ces crétois une foule craintive
Fuit, et laisse un champ libre au héros que je sers.
La foudre est moins rapide en traversant les airs.
Il vole à ce grand chef, à ce fier Mérione ;
Il l’abat à ses pieds : aux fers on l’abandonne ;
On l’enchaîne à mes yeux. Ceux qui, le glaive en main,
Couraient pour le venger, l’accompagnent soudain :
Je les vois, sous mes coups, roulant dans la poussière.
Tout couvert de leur sang, je vole au sanctuaire,
À cette enceinte horrible et si chère aux crétois,
Où de leur Jupiter les détestables lois
Avaient proscrit ta tête en holocauste offerte ;
Où, des voiles de mort indignement couverte,
On t’a vue à genoux, le front ceint d’un bandeau,
Prête à verser ton sang sous les coups d’un bourreau :
Ce bourreau sacrilége était Pharès lui-même ;
Il conservait encor l’autorité suprême
Qu’un délire sacré lui donna si longtemps
Sur les serfs odieux de ce temple habitants.
Ils l’entouraient en foule, ardents à le défendre,
Appelant Jupiter qui ne peut les entendre,
Et poussant jusqu’au ciel des hurlements affreux.
Je les écarte tous ; je vole au milieu d’eux ;
Je l’atteins, je le perce ; il tombe, et je m’écrie :
« Barbare, je t’immole à ma chère Astérie ! »
De ma juste vengeance et d’amour transporté,
J’ai traîné jusqu’à toi son corps ensanglanté :
Tu peux le voir, tu peux jouir de ta victime ;
Tandis que tous les siens, étonnés de leur crime,
Sont tombés en silence, et saisis de terreur,
Le front dans la poussière, aux pieds de leur vainqueur.

Azémon.

Mon fils ! Je meurs content.

Astérie.

Mon fils ! Je meurs content.Ô nouvelle patrie !
Ce jour est donc pour moi le plus beau de ma vie !
Cher amant ! Cher époux !

Datame.

Cher amant ! Cher époux !J’ai ton cœur, j’ai ta foi ;
Mais ce jour de ta gloire est horrible pour moi.