Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
Grégoire

Quel profane en ces lieux frappe, et me parle en maître ?


Daphnis

C’est moi ; me connais-tu ?

Grégoire

Qui, toi ? mon ami, non,
Je ne te connais point à cet étrange ton
Que tu prends avec moi.

Daphnis

Tu vas donc me connaître !
Tu mourras de ma main ; je vais t’assommer, traître !
Je vais l’exterminer, fripon !

Grégoire

Tu manques de respect à Grégoire, à ma place !

Daphnis

Va, ce fer que tu vois en manquera bien i)lus !
11 faut punir ta lâche audace :
Indigne suppôt de Bacchus,
Tremble, et rends-moi ma femme.


Grégoire

Eh ! mais pour te la rendre
11 faudrait avoir eu le plaisir de la prendre :
Tu vois, je ne l’ai point.


Daphnis

Non, tu ne l’auras pas ;
Mais c’est toi qui me l’as ravie ;
C’est toi qui l’as changée, et presque dans mes bras :
Elle m’aimait plus que sa vie
Avant d’avoir goûté ton vin.
On connaît ton esprit malin ;
A peine a-t-elle hu de ta liqueur mêlée.
Sa haine contre moi soudain s’est exhalée ;
Elle me fuit, m’outrage, et m’accable d’horreurs.
C’est toi qui l’as ensorcelée ;
Tes pareils dès longtemps sont des empoisonneurs.


Grégoire

Quoi ! ta femme te hait !


Daphnis

Oui, perfide ! à la rage.


Grégoire

Et mais ! c’est quelquefois un fruit du mariage ;
Tu peux t’en informer.