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Scène III

alexis, irène, zoé.
irène

Un des soldats qui l'accompagnent lui approche un fauteuil.
Un siége... je succombe. En ces lieux écartés
Attendez-moi, soldats... alexis, écoutez.
D'une voix inégale, entrecoupée, mais ferme autant que douloureuse.
Sachant ce que je souffre, et voyant ce que j'ose,
D'un pareil entretien vous pénétrez la cause,
Et l'on saura bientôt si j'ai dû vous parler :
D'un reproche assez grand je puis vous accabler ;
Mais l'excès du malheur affaiblit la colère.
Teint du sang d'un époux vous m'enlevez un père ;
Vous cherchez contre vous encore à soulever
Cet empire et ce ciel que vous osez braver.
Je vois l'emportement de votre affreux délire
Avec cette pitié qu'un frénétique inspire ;
Et je ne viens à vous que pour vous retirer
Du fond de cet abîme où je vous vois entrer.
Je plaignais de vos sens l'aveuglement funeste :
On ne peut le guérir... un seul parti me reste.
Allez trouver mon père, implorez son pardon ;
Revenez avec lui : peut-être la raison,
Le devoir, l'amitié, l'intérêt qui nous lie,
La voix du sang qui parle à son âme attendrie,
Rapprocheront trois coeurs qui ne s'accordaient pas.
Un moment peut finir tant de tristes combats.
Allez : ramenez-moi le vertueux Léonce ;
Sur mon sort avec vous que sa bouche prononce :
Puis-je y compter ?

alexis

J'y cours, sans rien examiner.
Ah ! Si j'osais penser qu'on pût me pardonner,
Je mourrais à vos pieds de l'excès de ma joie.
Je vole aveuglément où votre ordre m'envoie ;
Je vais tout réparer : oui, malgré ses rigueurs,
Je veux qu'avec ma main sa main sèche vos pleurs.
Irène, croyez-moi ; ma vie est destinée