Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/412

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J’aurais Argide à craindre en ma fatale erreur,
Et ma reconnaissance aurait trompé mon cœur !
De ce cœur éperdu touchez-vous la blessure ?
Dans l’amas. des tourments que ma jeunesse endure,
En est-il un nouveau dont je ressens les coups ?

LA PRÊTRESSE.

L’amour est quelquefois le plus cruel de tous.

YDACE.

Quelle est donc ma ressource ? Eh ! pourquoi suis-je née ?
Exposée à l’opprobre, aux fers abandonnée,
Le malheur qui me suit entoura mon berceau ;
Le ciel me rend un père au bord de son tombeau !
Loin d’Argide et de vous ma timide jeunesse
Ne sera qu’un fardeau pour sa triste vieillesse !
L’espérance me fuit ! La mort, la seule mort
Est-elle au moins un terme aux rigueurs de mon sort ?
Aurai-je assez de force, un assez grand courage,
Pour courir à ce port au milieu de l’orage ?
Vous lisez dans mon cœur, vous voyez mon danger :
Ah ! plutôt à mourir daignez m’encourager ;
Affermissez mon âme incertaine, affaiblie,
Contre le sentiment qui m’attache à la vie.

LA PRÊTRESSE.

Que ne puis-je plutôt par d’utiles secours
Vous aider à porter le fardeau de vos jours !
Il pèse à tout mortel, et Dieu, qui nous l’impose,
Veut, nous l’ayant donné, que lui seul en dispose.
De votre âme éperdue il faut avoir pitié :
Attendez tout d’un père et de mon amitié,
Mais surtout de vous-même et de votre courage.
Vous luttez, je le vois, contre un fatal orage :
Dieu se complaît, ma fille, à voir du haut des cieux
Ces grands combats d’un cœur sensible et vertueux.
La beauté, la candeur, la fermeté modeste,
Ont dompté quelquefois le sort le plus funeste.

YDACE.

Je me jette en vos bras : mon esprit désolé
Croit, en vous écoutant, que les dieux m’ont parlé.

FIN DU PREMIER ACTE.