ACTE QUATRIÈME.
Scène I.
Non, je ne cache plus ma tendresse fatale ;
Je l’aimais, je l’avoue, et l’amour nous égale.
Non, ne ménagez plus ce cœur né pour souffrir ;
J’appris à vivre esclave, et j’apprends à mourir ;
Ne me déguisez rien, je pourrai tout entendre.
Je sais que dans ces lieux le roi devait se rendre ;
C’est un père outragé, c’est un maître absolu :
On dit qu’il a parlé ; mais qu’a-t-il résolu ?
Il flottait incertain ; son âme s’est montrée
De douleur affaiblie, et de sang altérée.
Tantôt par un seul mot il nous glaçait d’horreur,
Et surtout son silence inspirait la terreur ;
Tantôt la profondeur de sa sombre pensée
Échappait aux regards d’une foule empressée.
Il soupire, il menace ; il se calme, il frémit :
Pour le seul Elpénor on croit qu’il s’adoucit.
Autour de lui rangés ses courtisans le craignent,
Et dans son désespoir il en est qui le plaignent.
Ils plaignent un tyran ! bas esprits ! vils flatteurs !
Ils n’osent plaindre Argide ! ils lui ferment leurs cœurs !
Ils croiraient faire un crime en prenant sa défense.
- ↑ Ici Ydace ne doit plus se contenir dans les bornes d'une douleur modeste; elle doit paraître en désordre, les cheveux épars, et éclater en sanglots. (Note de Voltaire.)