Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/167

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En peu de mots l’Anglaise leur raconte
Comment son bras, par le divin secours,
Sur Martinguerre a su venger sa honte.
Elle eut le soin, dans ce péril urgent,
De se saisir d’une bourse assez ronde
Qu’avait le mort, attendu que l’argent
Est inutile aux gens de l’autre monde.
Puis franchissant, dans l’horreur de la nuit,
Les murs mal clos de cet affreux réduit,
Le sabre au poing, vers la prochaine rive
Elle a conduit sa compagne craintive,
Elle a monté sur un léger esquif ;
Et réveillant matelots, capitaine,
En bien payant, le couple fugitif
A navigué sur la mer de Tyrrhène.
Enfin des vents le sort capricieux,
Ou bien le ciel qui fait tout pour le mieux,
Les met tous quatre aux pieds de Magdeleine.



O grand miracle ! ô vertu souveraine !
A chaque mot que prononçait Judith,
De son amant le grand cœur s’affadit :
Ciel ! quel dégoût, et bientôt quelle haine
Succède aux traits du plus charmant amour !
Il est payé d’un semblable retour.
Ce La Trimouille, à qui sa Dorothée
Parut longtemps plus belle que le jour,
La trouve laide, imbécile, affectée,
Gauche, maussade, et lui tourne le dos.
La belle en lui voyait le roi des sots,
Le détestait, et détournait la vue ;
Et Magdeleine, au milieu d’une nue,
Goûtait en paix la satisfaction
D’avoir produit cette conversion.



Mais Magdeleine, hélas ! fut bien déçue :
Car elle obtint des saints du paradis
Que tout amant venu dans son logis
N’aimerait plus l’objet de ses faiblesses
Tant qu’il serait dans ses rochers bénis ;
Mais dans ses vœux la sainte avait omis
De stipuler que les amants guéris
Ne prendraient pas de nouvelles maîtresses.
Saint Maximin ne prévit point le cas ;