Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/218

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Et les guerriers, du coup désarçonnés,
Tombent chacun sur la croupe étonnés :
Ainsi qu’on voit deux boules suspendues
Aux bouts égaux de deux cordes tendues,
Dans une courbe au même instant partir,
Hâter leur cours, se heurter, s’aplatir,
Et remonter sous le choc qui les presse,
Multipliant leur poids par leur vitesse.
Chaque parti crut morts les deux coursiers,
Et tressaillit pour les deux chevaliers.



Or des Français la championne auguste
N’avait la chair si ferme, si robuste,
Les os si durs, les membres si dispos,
Si musculeux que le fier Jean Chandos.
Son équilibre ayant dans cette rixe
Abandonné sa ligne et son point fixe,
Son quadrupède un haut-le-corps lui fit,
Qui dans le pré Jeanne d’Arc étendit,
Sur son beau dos, sur sa cuisse gentille,
Et comme il faut que tombe toute fille.



Chandos pensait qu’en ce grand désarroi
Il avait mis ou Dunois ou le roi ;
Il veut soudain contempler sa conquête :
Le casque ôté, Chandos voit une tête
Où languissaient deux grands yeux noirs et longs.
De la cuirasse il défait les cordons ;
Il voit (ô ciel ! ô plaisir ! ô merveille !)
Deux gros tetons de figure pareille,
Unis, polis, séparés, demi-ronds,
Et surmontés de deux petits boutons,
Qu’en sa naissance a la rose merveille.
On tient qu’alors, en élevant la voix,
Il bénit Dieu pour la première fois.
" Elle est à moi, la Pucelle de France !
S’écria-t-il ; contentons ma vengeance.
J’ai, grâce au ciel, doublement mérité
De mettre à bas cette fière beauté.
Que saint Denys me regarde et m’accuse ;
Mars et l’Amour sont mes droits, et j’en use. "



Son écuyer disait : " Poussez, milord ;
Du trône anglais affermissez le sort.
Frère Lourdis en vain nous décourage ;