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La même année parurent les Pucelles d’Orléans, poëme en six chants, in-8o, de 119 pages. Il en existe des exemplaires intitulés les Victimes du despotisme épiscopal, ou les Pucelles d’Orléans, poëme en six chants ; et d’autres ayant pour titre : Poëme sur les vexations exercées par trois évêques successifs d’Orléans, contre les religieuses de Saint-Charles. On voit qu’il ne s’agit aucunement de Jeanne d’Arc, mais seulement de querelles ecclésiastiques. Les victimes sont des religieuses qui refusaient de signer le formulaire, et à qui les évêques refusaient pour cela les sacrements et autres accessoires. Aussi ce n’est point à Voltaire, mais à Pascal, que Robbé adresse une invocation dans le début de son poëme, dont l’intitulé m’obligeait de parler.

Un des plus grands reproches faits à Voltaire, et constamment répété, est d’avoir empêché à jamais le succès de tout poëme sur la Pucelle. Laharpe, à une époque où il n’était plus le champion de Voltaire, ne pensait pas que le règne de Charles VII pût fournir à l’épopée un sujet intéressant[1]. Le reproche dirigé contre Voltaire, et l’observation de Laharpe, n’ont point effrayé plusieurs auteurs de nos jours. Vienne le génie, et un grand changement dans le goût et le caractère français, l’on n’aurait plus rien à dire.

Laharpe, converti, se montre bien sévère envers le poëme sur Jeanne d’Arc. Il dit[2] « qu’il n’y a point d’homme véritablement honnête qui ne rougisse en prononçant le nom de cet ouvrage… Sous le rapport de l’art, la Pucelle (qu’il nomme cependant lui-même) est un monstre en épopée comme en morale ». Laharpe, en parlant ainsi, voulait effacer, et rappelait au contraire, ce qu’il avait écrit en 1780. « Oublions, disait-il alors[3], quelques traits que lui-même a effacés ; effaçons-en même d’autres, échappés à l’intempérance excusable d’un génie ardent… Ne jugeons pas dans toute la sévérité de la raison ce qui a été composé dans des accès de verve et de gaieté. Peignons, s’il le faut, au-devant de ce poëme, où le talent a mérité tant d’éloges, peignons l’Imagination à genoux, présentant le livre aux Grâces, qui le recevront en baissant les yeux, et en marquant du doigt quelques pages à déchirer ; et après avoir obtenu pardon (car les Grâces sont indulgentes), osons dire, en leur présence et de leur aveu, que nous n’avons point dans notre langue d’ouvrage semé de détails plus piquants et plus variés, où la plaisanterie satirique ait plus de sel, où les peintures de la volupté aient plus de séduction, où l’on ait mieux saisi cet esprit original qui a été celui de l’Arioste, cet esprit qui se joue si légèrement des objets qu’il trace, qui mêle un trait de plaisanterie à une image terrible, un trait de morale à une peinture grotesque, et confond ensemble le rire et les larmes, la folie et la raison. »

Parmi tous les écrits dont la Pucelle a été le sujet, on doit encore distinguer l’Essai sur la Pucelle de Voltaire, considérée comme poëme épique,

  1. Lycée, ou Cours de littérature, deuxième partie, livre I, chapitre ier.
  2. Lycée, troisième partie, chapitre i. section I.
  3. Éloge de Voltaire, première partie.