Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le bras vainqueur a soumis l’Angleterre[1].
O vous, bâtards du maître du tonnerre,
Guidez ma lance et conduisez mes coups !
L’honneur le veut ; vengez-moi, vengez-vous. "
Cette prière était peu convenable ;
Mais le héros savait très-bien la Fable ;
Pour lui la Bible eut des charmes moins doux.
Il dit, et part. La molette dorée
Des éperons armés de courtes dents
De son coursier pique les nobles flancs.
Le premier coup de sa lance acérée
Fend de Chandos l’armure diaprée,
Et fait tomber une part du collet
Dont l’acier joint le casque au corselet.



Le brave Anglais porte un coup effroyable ;
Du bouclier la voûte impénétrable
Reçoit le fer, qui s’écarte en glissant.
Les deux guerriers se joignent en passant ;
Leur force augmente ainsi que leur colère :
Chacun saisit son robuste adversaire.
Les deux coursiers, sous eux se dérobants,
Débarrassés de leurs fardeaux brillants,
S’en vont en paix errer dans les campagnes.
Tels que l’on voit dans d’affreux tremblements
Deux gros rochers, détachés des montagnes
Avec grand bruit l’un sur l’autre roulants ;
Ainsi tombaient ces deux fiers combattants,
Frappant la terre et tous deux se serrants.
Du choc bruyant les échos retentissent,
L’air s’en émeut, les nymphes en gémissent.
Ainsi quand Mars, suivi par la Terreur,
Couvert de sang, armé par la Fureur,
Du haut des cieux descendait pour défendre
Les habitants des rives du Scamandre,
Et quand Pallas animait contre lui
Cent rois ligués dont elle était l’appui,
La terre entière en était ébranlée ;

  1. Guillaume le Conquérant, bâtard d’un duc de Normandie, fils de putain, comme le remarque judicieusement l’auteur, d’après milord Ch……d. (Note de Voltaire. 1762.) — Les éditeurs de Kehl ont imprim2 en entier le nom de Chesterfield. J’ai pensé qu’il valait mieux reproduire la note telle qu’elle a paru du vivant de l’auteur. (R.)