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CHANT XX


Argument.- Comment Jeanne tomba dans une étrange tentation ; tendre témérité de son âne ; belle résistance de la Pucelle.


L’homme et la femme est chose bien fragile ;
Sur la vertu gardez-vous de compter :
Ce vase est beau, mais il est fait d’argile,
Un rien le casse : on peut le rajuster,
Mais ce n’est pas entreprise facile.
Garder ce vase avec précaution,
Sans le ternir, croyez-moi, c’est un rêve :
Nul n’y parvient ; témoin le mari d’Ève,
Et le vieux Loth, et l’ aveugle Samson,
David le saint, le sage Salomon,
Et vous surtout, sexe doux, sexe aimable,
Tant du nouveau que du vieux Testament,
Et de l’histoire, et même de la fable.
Sexe dévot, je pardonne aisément
Vos petits tours et vos petits caprices,
Vos doux refus, vos charmants artifices ;
Mais j’avouerai qu’il est de certains cas,
De certains goûts que je n’excuse pas.
J’ai vu parfois une bamboche, un singe,
Gros, court, tanné, tout velu sous le linge,
Comme un blondin caressé dans vos bras :
J’en suis fâché pour vos tendres appas.
Un âne ailé vaut cent fois mieux peut-être
Qu’un fat en robe et qu’un lourd petit-maître.
Sexe adorable, à qui j’ai consacré
Le don des vers dont je fus honoré,
Pour vous instruire il est temps de connaître