Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/321

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L’erreur de Jeanne, et comme un beau grison
Pour un moment égara sa raison :
Ce n’est pas moi, c’est le sage Trithème,
Ce digne abbé, qui vous parle lui-même.



Le gros damné de père Grisbourdon,
Terrible encor au fond de sa chaudière,
En blasphémant cherchait l’occasion
De se venger de la Pucelle altière,
Par qui là-haut d’un coup d’estramaçon
Son chef tondu fut privé de son tronc.
Il s’écriait : " O Belzébuth ! mon père,
Ne pourrais-tu dans quelque gros péché
Faire tomber cette Jeanne sévère ?
J’y crois, pour moi, ton honneur attaché. "
Comme il parlait, arriva plein de rage
Hermaphrodix au ténébreux rivage,
Son eau bénite encor sur le visage.
Pour se venger, l’amphibie animal
Vint s’adresser à l’auteur de tout mal.
Les voilà donc tous les trois qui conspirent
Contre une femme. Hélas ! le plus souvent,
Pour les séduire il n’en fallut pas tant.
Depuis longtemps tous les trois ils apprirent
Que Jeanne d’Arc dessous son cotillon
Gardait les clefs de la ville assiégée,
Et que le sort de la France affligée
Ne dépendait que de sa mission.
L’esprit du diable a de l’invention :
Il courut vite observer sur la terre
Ce que faisaient ses amis d’Angleterre ;
En quel état et de corps et d’esprit
Se trouvait Jeanne après le grand conflit.
Le roi, Dunois, Agnès alors fidèle,
L’âne, Bonneau, Bonifoux, la Pucelle,
Étaient entrés vers la nuit dans le fort,
En attendant quelque nouveau renfort.
Des assiégés la brèche réparée
Aux assaillants ne permet plus l’entrée.
Des ennemis la troupe est retirée.
Les citoyens, le roi Charle, et Bedfort,
Chacun chez soi soupe en hâte et s’endort.
Muses, tremblez de l’étrange aventure