Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/367

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AVERTISSEMENT
POUR LE POUR ET LE CONTRE.

Ce petit poëme est un des premiers ouvrages où M. de Voltaire ait fait connaître ouvertement ses opinions sur la religion et la morale. Nous ignorons quelle est la femme[1] à qui l’auteur l’avait adressé. Il est du temps de sa jeunesse, et antérieur à ses querelles avec J.-B. Rousseau, qui parle de cet ouvrage comme d’une des raisons qui l’ont éloigné de M. de Voltaire ; délicatesse bien singulière dans l’auteur de tant d’épigrammes où la religion est tournée en ridicule. Rousseau croyait apparemment qu’il n’y avait de scandale que dans les raisonnements philosophiques ; et que, pourvu qu’un conte irréligieux fût obscène, la foi de l’auteur était à l’abri de tout reproche.

Au reste, cet ouvrage a le mérite singulier de renfermer dans quelques pages, et en très-beaux vers, les objections les plus fortes contre la religion chrétienne, les réponses que font à ces objections les dévots persuadés et les dévots politiques, et enfin le plus sage conseil qu’on puisse donner à un homme raisonnable qui ne veut connaître sur ces objets que ce qui est nécessaire pour se bien conduire. La fameuse profession de foi du vicaire savoyard[2] n’est presque qu’un commentaire éloquent de cette épître, et de quelques morceaux du poëme de la Loi naturelle.

K.


  1. C’était Mme  de Rupelmonde. Mme  de Rupelmonde, fille du maréchal d’Alègre, à une âme pleine de candeur et un penchant extrême pour la tendresse, joignait, dit Duvernet, une grande incertitude sur ce qu’elle devait croire. Pendant le voyage qu’elle fit en Hollande, elle déposait dans le sein de Voltaire ses doutes et ses perplexités. Dans la vue de fixer son esprit incertain, Voltaire fit ce poëme, dont le but est de montrer que pour plaire à Dieu, indépendamment de toute croyance, il suffit d’avoir des vertus. — Marie-Marguerite-Élisabeth d’Alègre, fille du maréchal de ce nom, mariée en 1705 à Maximilien-Philippe-Joseph de Récourt, comte de Rupelmonde, tué à Villaviciosa en 1710, perdit son fils dans la guerre de 1748, et mourut à Bercy le 31 mai 1752. Elle fut inhumée dans l’église paroissiale de Conflans. (B.)
  2. Dans le troisième livre de l’Émile de J.-J. Rousseau.