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DE LA MODÉHATION EN TOUT. 405

Au sortir d'un spectacle, où de tant de merveilles

Le son, perdu pour lui, frappe en vain ses oreilles;

Il se traîne à souper, plein d'un secret ennui,

Cherchant en vain la joie, et fatigué de lui.

Son esprit, offusqué d'une vapeur grossière,

Jette encor quelques traits sans force et sans lumière ;

Parmi les voluptés dont il croit s'enivrer,

Malheureux! il n'a pas le temps de désirer.

Jadis trop caressé dos mains de la Mollesse,

Le Plaisir s'endormit au sein de la Paresse ;

La langueur l'accabla : plus de chants, plus de vers.

Plus d'amour; et l'ennui détruisait l'univers.

Un dieu qui prit pitié de la nature humaine

Mit auprès du Plaisir le Travail et la Peine :

La Crainte l'éveilla, l'Espoir guida ses pas ;

Ce cortège aujourd'hui l'accompagne ici-bas.

Semez vos entretiens de fleurs toujours nouvelles : Je le dis aux amants, je le répète aux belles. Damon, tes sens trompeurs, et qui t'ont gouverné. T'ont promis un bonheur qu'ils ne t'ont point donné. Tu crois, dans les douceurs qu'un tendre amour apprête, Soutenir de Dapliné l'éternel tête-à-tête ; Mais ce bonheur usé n'est qu'un dégoût affreux, Et vous avez besoin de vous quitter tous deux. Ah ! pour vous voir toujours sans jamais vous déplaire. Il faut un cœur plus no])le, une àme moins vulgaire. Un esprit vrai, sensé, fécond, ingénieux, Sans humeur, sans caprice, et surtout vertueux : Pour les cœurs corrompus l'amitié n'est point faite. divine amitié ! félicité parfaite. Seul mouvement de l'àme où l'excès soit permis. Change en bien tous les maux où le ciel m'a soumis ; Compagne de mes pas dans toutes mes demeures. Dans toutes les saisons, et dans toutes les heures : Sans toi tout homme est seul ; il peut par ton appui Multiplier son être, et vivre dans autrui. Idole d'un cœur juste, et passion du sage. Amitié, que ton nom couronne cet ouvrage ! Qu'il préside k mes vers comme il règne en mon cœur! Tu m'appris à connaître, à chanter le bonheur.

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