Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/572

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Ce petit dieu, de son aile légère,
Un arc en main, parcourait l’autre jour
Tous les recoins de votre sanctuaire.
Car le théâtre appartient à l’Amour ;
Tous ses héros sont enfants de Cythère.
Hélas ! Amour, que tu fus consterné
Lorsque tu vis ce temple profané,
Et ton rival, de son culte hérétique
Établissant l’usage anti-physique,
Accompagné de ses mignons fleuris,
Fouler aux pieds les myrtes de Cypris !
Cet ennemi jadis eut dans Gomorrhe
Plus d’un autel, et les aurait encore,
Si par le feu son pays consumé
En lac un jour n’eût été transformé.
Ce conte n’est de la métamorphose,
Car gens de bien m’ont expliqué la chose
Très-doctement ; et partant ne veux pas
Mécroire en rien la vérité du cas.
Ainsi que Loth, chassé de son asile,
Ce pauvre dieu courut de ville en ville :
Il vint en Grèce ; il y donna leçon
Plus d’une fois à Socrate, à Platon ;
Chez des héros il fit sa résidence
Tantôt à Rome, et tantôt à Florence ;
Cherchant toujours, si bien vous l’observez,

    du moins ce qu’on lit dans l’avertissement du tome V des Œuvres diverses de M. de Voltaire, 1746, in-12.

    Prosper Marchand, dans son Dictionnaire historique, tome Ier, page 37, dit que cette satire est dirigée contre Desfontaines. C’est une erreur. Ce n’est rien moins qu’un grand seigneur que Voltaire a eu en vue. Il nous a mis lui-même sur la voie, en disant (vers 52) :

    D’un beau marquis il a pris le visage.

    C’est en effet contre le marquis de Courcillon que fut fait l’Anti-Giton. L’avertissement cité plus haut dit qu’en 1720 l’Anti-Giton fut imprimé sous le titre de la Courcillonade. Enfin des manuscrits que j’ai vus l’intitulent simplement Vers contre M. de Courcillon. Dans l’origine, cette pièce était adressée à Mlle Duclos, célèbre actrice, et sur laquelle on trouve quatre vers dans l’épître à Mme de Mont-brun-Villefranche.

    Le Courcillon, héros de l’Anti-Giton, est Philippe Égon, né vers 1687 de Louis de Courcillon, marquis de Dangeau, et de Sophie, comtesse de Lowestein. Philippe Égon, mort le 20 septembre 1719, avait eu une jambe emportée à la bataille de Malplaquet en 1709. (B.)