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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/91

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Au coin d’un bois où régnait le silence.
Au clair de lune ils cherchent le chemin.
Ils viennent, vont, tournent, le tout en vain ;
Enfin rendus, ainsi que leur monture,
Mourants de faim, et lassés de chercher,
Ils maudissaient la fatale aventure
D’avoir vaincu sans savoir où coucher.
Tel un vaisseau sans voile, sans boussole,
Tournoie au gré de Neptune et d’Éole.



Un certain chien, qui passa tout auprès,
Pour les sauver sembla venir exprès ;
Le chien approche, il jappe, il leur fait fête ;
Virant sa queue, et portant haut sa tête,
Devant eux marche ; et se tournant cent fois,
Il paraissait leur dire en son patois :
" Venez par-là, messieurs, suivez-moi vite ;
Venez, vous dis-je, et vous aurez bon gîte. "
Nos deux héros entendirent fort bien,
Par ces façons ce que voulait ce chien ;
Ils suivent donc, guidés par l’espérance,
Et priant Dieu pour le bien de la France,
Et se faisant tous deux de temps en temps
Sur leur exploits, de très-beaux compliments.
Du coin lascif d’une vive prunelle,
Dunois lorgnait malgré lui la Pucelle ;
Mais il savait qu’à son bijou caché
De tout l’État le sort est attaché,
Et qu’à jamais la France est ruinée,
Si cette fleur se cueille avant l’année.
Il étouffait noblement ses désirs,
Et préférait l’État à ses plaisirs.
Et cependant, quand la rouet mal sûre
De l’âne saint faisait clocher l’allure,
Dunois ardent, Dunois officieux
De son bras droit retenait la guerrière,
Et Jeanne d’Arc, en clignotant des yeux
De son bras gauche étendu par derrière
Serrait aussi ce héros vertueux :
Dont il advint, tandis qu’ils chevauchèrent,
Que très-souvent leurs bouches se touchèrent,
Pour se parler tous les deux de plus près
De la patrie et de ses intérêts.