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IDÉES
DE LA MOTHE LE VAYER
vers 1751[1].

I.

Si les hommes étaient raisonnables, ils auraient une religion capable de faire du bien et incapable de faire du mal.

II.

Quelle est la religion dangereuse ? N’est-ce pas évidemment celle qui, établissant des dogmes incompréhensibles, donne nécessairement aux hommes l’envie d’expliquer ces dogmes chacun à sa manière, excite nécessairement les disputes, les haines, les guerres civiles ?

III.

N’est-ce pas celle qui, se disant indépendante des souverains et des magistrats, est nécessairement aux prises avec les magistrats et les souverains ?

IV.

N’est-ce pas celle qui, se choisissant un chef hors de l’État, est nécessairement dans une guerre publique ou secrète avec l’État ?

V.

N’est-ce pas celle qui, ayant fait couler le sang humain pendant plusieurs siècles, peut le faire couler encore ?

  1. Ce sont les éditeurs de Kehl qui ont mis cette date, qu’ils donnent toutefois comme incertaine. Je n’ai rien qui la confirme, ni qui la combatte. La plus ancienne édition que je connaisse est celle qui fait partie du Recueil nécessaire, un volume in-8o, daté de 1765, mais que je crois de 1767. Ces Idées on été réimprimées dans le tome VII, daté de 1768, des Nouveaux Mélanges philosophiques, historiques et critiques. François La Mothe Le Vayer, né en 1588, mort en 1672, sous le nom de qui Voltaire mit ces Idées, a placé dans le Catalogue des écrivains, en tête du Siècle de Louis XIV, tome XIV ; et encore dans la septième des Lettres à Son Altesse monseigneur le prince de **. (B.)