Page:Voltaire Dialogues philosophiques.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
202
dialogues philosophiques


ÉRASME. — C’est un prêtre vêtu de rouge, à qui l’on donne cent mille écus de rente pour ne rien faire du tout.


LUCIEN. — Vous m’avouerez du moins que ces cardinaux-là étaient raisonnables. Il faut bien que tous vos concitoyens ne fussent pas si fous que vous le dites.


ÉRASME. — Que M. Rabelais me permette de prendre la parole. Les cardinaux avaient une autre espèce de folie, c’était celle de dominer ; et comme il est plus aisé de subjuguer des sots que des gens d’esprit, ils voulurent assommer la raison qui commençait à lever la tête. M. Rabelais, que vous voyez, imita le premier Brutus, qui contrefit l’insensé pour échapper à la défiance et à la tyrannie des Tarquins.


LUCIEN. — Tout ce que vous me dites me confirme dans l’opinion qu’il valait mieux vivre dans mon siècle que dans le vôtre. Ces cardinaux dont vous me parlez étaient donc les maîtres du monde entier, puisqu’ils commandaient aux fous ?


RABELAIS. — Non ; il y avait un vieux fou au-dessus d’eux.


LUCIEN. — Comment s’appelait-il ?


RABELAIS. — Un papegaut. La folie de cet homme