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dialogues philosophiques

en une langue étrangère ce que vous appelez une messe, fendre l’air en quatre avec trois doigts, se courber, se redresser, tourner à droite et à gauche, par devant et par derrière, et faire autant de dieux qu’il lui plaît, les boire et les manger, et les rendre ensuite à son pot de chambre ! Et vous n’avouerez pas que c’est la plus monstrueuse et la plus ridicule idolâtrie qui ait jamais déshonoré la nature humaine ? Ne faut-il pas être changé en bête pour imaginer qu’on change du pain blanc et du vin rouge en Dieu ? Idolâtres nouveaux, ne vous comparez pas aux anciens qui adoraient le Zeus, le Démiourgos, le maître des dieux et des hommes, et qui rendaient hommage à des dieux secondaires ; sachez que Cérès, Pomone et Flore valent mieux que votre Ursule et ses onze mille vierges ; et que ce n’est pas aux prêtres de Marie-Magdeleine à se moquer des prêtres de Minerve.


LA COMTESSE. — Monsieur l’abbé, vous avez dans M. Fréret un rude adversaire. Pourquoi avez-vous voulu qu’il parlât ? c’est votre faute.


L’ABBÉ. — Oh ! madame, je suis aguerri ; je ne m’effraie pas pour si peu de chose ; il y a longtemps que j’ai entendu faire tous ces raisonnements contre notre mère sainte Église.


LA COMTESSE. — Par ma foi, vous ressemblez à certaine duchesse qu’un mécontent appelait catin ;