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SOUVENIRS

à l’excellent institut des Sourds-Muets ; dans ce moment elle venait de la faire habiller à neuf, et se l’était fait amener pour la conduire elle-même à l’abbé Sicard. Elle faisait déjeûner cet enfant dans son salon de compagnie, sur une table de marbre, et près d’un miroir dans lequel cette petite fille pouvait se voir des pieds à la tête probablement pour la première fois. L’émotion de la charmante bienfaitrice en voyant la joie et l’étonnement de cette petite fille, les larmes de la pitié qui coulaient de ses yeux en la baisant au front la bonté matérnelle avec laquelle elle l’engageait à manger, et lui mettait dans les poches ce qui restait dans le sucrier ; les remerciemens inarticulés de l’enfant, qu’il exprimait par une sorte de cri qui me remplissait d’émotion, seront longtemps présens à ma mémoire. Non, il n’y avait point d’artifice dans toutes ces sensations, et c’est la seule fois en ma vie que j’ai été témoin d’une pareille scène.