Page:Voragine - Légende dorée.djvu/247

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ma vie criminelle ; et je me mis à me déchirer la poitrine, à verser des larmes amères, et à soupirer du plus profond de mon cœur. Puis, apercevant sur le mur une image de la bienheureuse Vierge Marie, je me mis à la supplier de m’obtenir le pardon de mes péchés, et la permission d’entrer dans l’église pour adorer la sainte Croix ; en échange de quoi je promis de renoncer au monde et de vivre désormais dans la chasteté. Cette prière me rendit confiance, et de nouveau je me présentais aux portes de l’église ; et voilà que, cette fois, je pus y entrer sans aucun empêchement. Et, pendant que j’adorais pieusement la sainte Croix ; un inconnu me remit trois pièces de monnaie, avec lesquels j’achetai trois pains. Et j’entendis une voix qui me disait : « Traverse le Jourdain, et tu seras sauvée ! » Je traversai donc le Jourdain et vins dans ce désert, où, depuis quarante-six ans, je demeure sans avoir jamais vu figure humaine, vivant des trois pains que j’ai emportés avec moi ; et qui, devenus maintenant durs comme des pierres, suffisent encore à ma nourriture. Quant à mes vêtements, depuis longtemps déjà ils sont tombés en morceaux. Et, pendant les dix-sept premières années de mon séjour au désert, j’ai été tourmentée de tentations charnelles ; mais, à présent, par la grâce de Dieu, je les ai toutes vaincues. Voilà mon histoire. Je te l’ai racontée afin que tu daignes prier Dieu pour moi ! »

Alors le vieillard, se prosternant à terre, bénit le Seigneur dans la personne de sa servante. Et celle-ci lui dit : « Écoute ce que je vais te demander ! C’est que, le jour de Pâques, tu passes de nouveau le Jourdain, en apportant avec toi une hostie consacrée. Je t’attendrai sur le rivage, et recevrai de ta main le corps du Seigneur, car je n’ai plus communié depuis le jour de mon arrivée ici ! » Le vieillard s’en retourna donc dans son monastère ; et, l’année suivante, aux approchés de la fête de Pâques, il revint jusqu’à la rive du Jourdain, emportant avec lui une hostie consacrée. Et voici qu’il aperçut la femme debout sur l’autre rive. Et voici que, ayant fait le signe de la croix sur les eaux, elle se mit à marcher sur