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Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/106

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Histoire des États

ment de table, & conviant agreablement Morad-Bakche à ſe réjouir avec Mircay & les autres Officiers qui étoient là tout prêts, ſe retira doucement delà, comme pour s’aller repoſer. Morad-Bakche, qui aimoit fort à boire & qui trouvoit le vin bon, ne manqua pas d’en prendre avec excés ; en un mot il s’enyvra & s’endormit enſuite ; c’étoit juſtement ce qu’on demandoit, car on fit auſſi-tôt retirer quelques ſerviteurs qu’il avoit là, comme pour le laiffer dormir à ſon aiſe, & on lui ôta d’auprés de lui ſon ſabre & ſon Jemder ou poignard ; mais Aureng-Zebe ne fut pas long-temps ſans le venir reveiller lui-même : Il entra dans la chambre, le pouſſa rudement du pied, & comme il commençoit un peu à ouvrir les yeux, il se mit à lui faire cette courte & ſurprenante exhortation. Quoi, dit-il, quelle honte & quelle infamie eſt celle-ci ? Un Roi comme toi avoir ſi peu de retenuë que de s’enyvrer de la ſorte ? Qu’est-ce qu’on dira & de toi & de moi ? qu’on me prenne cet infame, cet yvrogne ; qu’on me le lie pieds & mains & qu’on me le jette là-dedans repoſer ſon vin. Auſſi-tôt dit, auſſi-tôt fait, il a beau appeller, & beau

crier