Aller au contenu

Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
du grand Mogol.

Usbec qui a fait fortune à cette Cour ; j’avois deſſein d’apprendre d’eux quelque choſe de particulier de leur païs ; mais je trouvai des gens ſi ignorans qu’ils ne connoiſſoient pas ſeulement les confins de leur Etat, & qui ne me purent jamais donner aucun éclairciſſement ſur ces Tartares qui ont conquis la Chine depuis quelques années ; enfin, ils ne me dirent preſque rien que je ne ſceuſſe déja ailleurs : J’eus même la curioſité de diner avec eux, qui fut aſſez facile ; ce ne ſont pas gens à grandes ceremonies ; le repas étoit fort extraordinaire pour un homme comme moi ; car ce n’étoit que chair de cheval ; je ne laiſſai neanmoins pas de dîner : il y avoit un certain ragoût que je trouvai aſſez paſſable, auſſi falloit il bien faire honneur à une viande ſi exquiſe & dont ils ſont ſi frians. Pendant le dîner ce fut un ſilence merveilleux, ils ne ſongeoient qu’à enfourner du Pelau à pleines mains ; car ils ne ſavent ce que c’eſt que de cuillieres ; mais quand cette chair de cheval eut un peu opéré dans l’eſtomanc, la parole leur revint, & ils s’efforcerent de me perſuader qu’ils étoient les plus adroits à tirer de l’arc, les plus robuſtes

hom-