Aller au contenu

Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
Histoire des États

hommes du monde ; ils ſe faiſoient apporter des arcs qui étoient de beaucoup plus gros & grands que ceux de l’Hindouſtan ; & vouloient gager qu’ils perceroient un bœuf ou mon cheval de part en part. Ils paſſerent enſuite à la force & à la valeur de leurs femmes qu’ils me depeignoient tout autres que des Amazones ; ils m’en dirent pluſieurs hiſtoires fort étranges, une entre autres admirable ; ſi je la pouvois rendre avec une éloquence Tartareſque comme eux. Ils conterent que dans le tems qu’Aureng-Zebe faiſoit la guerre dans leur pais, un parti de vingt-cinq ou trente Cavaliers Indiens vint donner ſur un petit village. Pendant qu’ils pilloient & qu’ils lioient tous ceux qu’ils pouvoient atraper pour les faire eſclaves, une bonne Vieille leur dit ; mes enfans ne faites point tant les mechans, ma fille n’eſt pas ceans, elle viendra bientôt, retirez-vous ſi vous étes ſages, vous étes perdus ſi elle vous rencontre ; ils ſe moquerent de la vieille & de ſon avis, & ne laiſſerent pas de charger, de lier & de l’emmener elle méme ; mais ils ne furent pas à demi lieuë de là que la vieille, qui regardoit toûjours derrière elle, jetta un grand cri de joye reconnoiſſant ſa fille

à la